[Critique] Monsieur Lazhar: tout en dentelle

Une fable moderne bourrée de charme qui révèle un regard particulièrement aiguisé sur la société québécoise.

Fellag dans Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau

Fellag dans Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau (©micro_scope)

Pour son quatrième film, Philippe Falardeau se concentre sur l’immigration au Québec et sur ses implications sur notre société. L’approche fine et délicate de Monsieur Lazhar donne un film tendre et réaliste, une fable moderne bourrée de charme qui révèle un regard particulièrement aiguisé sur la société québécoise et sur le milieu de l’éducation. Une belle réussite.

Le point fort du film est d’avoir parfaitement réussi sa mise en contexte d’un immigré dans un milieu étranger et d’avoir réussi à bâtir un scénario touchant de bout en bout. À partir d’une pièce d’Évelyne de la Chenelière où le personnage central était seul sur scène, Falardeau nous captive par l’histoire de Bashir Lazhar, cet être humain blessé qui sort de nulle part, qui tente de s’extirper d’un monde très bureaucratique (l’école, l’immigration) par l’enseignement des mots et de la culture à des enfants, comme s’ils étaient les siens ; même s’il faut mentir sur son passé pour mieux parvenir à sauver ces enfants traumatisés après la mort d’une de leur enseignante ; même s’il faut bouleverser quelques tabous bien enracinés.

Monsieur Lazhar représente une belle image de la différence des cultures et de l’évolution d’une société qui cherche encore des moyens d’intégrer ses nouveaux résidents. Le regard parfois amusé sur nos différences culturelles (les biscuits, le langage) et sociales (méthodes d’éducation) ne verse jamais dans la comparaison ou dans l’analyse politico-sociale. Ces éléments permettent de tracer les contours de ce personnage et de mieux identifier le déracinement d’une personne en mal de repères dans sa nouvelle vie.

Film riche et profond, Monsieur Lazhar excelle aussi dans sa mise en parallèle du monde des adultes, froid et procédurier, par rapport à un monde beaucoup plus émotif des enfants. Le comédien franco-algérien Fellag, qui a lui-même fait l’objet d’une fatwa dans son pays d’origine, fait le lien entre ces deux mondes de façon remarquable. Avec intelligence et finesse, il dresse le portrait de ce professeur rempli de compassion qui a lui aussi énormément souffert dans sa vie et qui est à peu près le seul à comprendre ce que ressentent les enfants. Personnage central de l’histoire, Fellag est à mon sens la grande découverte du film.

En résumé

Avec un scénario tout en dentelle, Monsieur Lazhar aborde les thèmes de l’immigration et de la souffrance de jeunes enfants de façon brillante et délicate. Le comédien Fellag y brille par son côté intello un tantinet rétro du meilleur effet, de même que toute la distribution, parfaitement dirigée. Un film dont on reparlera sans doute lors de la prochaine soirée des Jutra et peut-être avant si l’Académie américaine le fait entrer dans la liste des candidats à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.

Monsieur Lazhar – Québec, 2011, 1h34 – Un professeur d’origine algérienne prend en charge une classe traumatisée par la mort de l’ancienne éducatrice – Avec: Fellag, Sophie Nélisse, Émilien Néron, Danielle Proulx – Scénario et Réalisation: Philippe Falardeau d’après Evelyne de la Chenelière – Production: Luc Déry, Kim McCraw (micro_scope) – Distribution: Films Christal

Ma note: 

Les notes :

★★★★★ Excellent
★★★★ Très bon
★★★ Bon
★★ Moyen
Mauvais

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