Lien YouTube : http://youtu.be/watch?v=JdquJQsfxPY
Quinze ans après Micheline Lanctôt et son célèbre Sonatine, Léa Pool met à son tour en images les tourments d’une adolescente dans Emporte-moi, son septième film de fiction. Bien que romancé et déplacé au Québec, il s’agit, de l’aveu même de la cinéaste d’origine suisse, de son film le plus autobiographique.
Emporte-moi est un récit initiatique traitant du difficile passage à l’âge adulte d’une jeune femme emprisonnée dans un univers sans joie. Plusieurs thématiques propres à ce genre (incertitudes existentielles, découverte de l’amour) s’entremêlent à une vision sociale sombre (tentative de suicide de la mère, déchéance du père, pauvreté), le tout baignant dans la légèreté rétro du Québec des années 60. Le film propose aussi un clin d’oeil à Jean-Luc Godard, le cinéaste favori de Léa Pool, en reprenant plusieurs extraits de Vivre sa vie. À ce chapitre, signalons la scène mémorable dans laquelle Karine Vanasse danse en rythme avec Anna Karina, dans un montage alterné du plus bel effet.
Interprété avec naturel et aisance par Karine Vanasse, qui faisait ici ses premiers pas au grand écran, le film bénéficie également de la fragilité de Pascale Bussières incarnant une mère au bord de la crise de nerfs, et, dans le rôle du père, du subtil mélange de rudesse et de sensibilité de Miki Manojlovic, remarqué dans des films d’Emir Kusturica.
« Ce film, c’est vraiment la découverte du monde, avec tout ce que ça comporte de difficultés, mais aussi de moments heureux » – Léa Pool, dans Le Soleil, 27 juin 1998
Présenté en première mondiale en ouverture des Rendez-vous du cinéma québécois 1999, Emporte-moi a obtenu une carrière locale appréciable (30 000 entrées en salle) mais fut surtout reconnu sur les marchés internationaux. Il reçut le prix du jury Å“cuménique du festival de Berlin et fut vendu dans une quinzaine de pays. Chez nous, il fut nommé meilleur film canadien de 1999 par les critiques de Toronto, et a reçu quatre Prix Jutra en 2000 (Meilleure actrice, Meilleure actrice de soutien, Meilleure direction artistique et Film s’étant le plus illustré à l’extérieur du Québec).
La petite histoire se souviendra peut-être qu’en 1999, la scénariste Isabelle Raynauld avait intenté une poursuite contre Léa Pool pour « emprunts divers », lui reprochant d’avoir reproduit des éléments d’un scénario qu’elle lui avait fait lire pour obtenir ses commentaires. Léa Pool s’en est défendu, mais a néanmoins perdu son procès. Elle fut condamnée à verser 40 000$ à Mme Raynault, en plus de la citer au générique.

Karine Vanasse (d.) et Pascale Bussières (g.) dans Emporte-moi de Léa Pool (image extraite du film (capture VHS) – Collection filmsquebec.com – Reproduction interdite sans autorisation)
Critiques d’époque
La force de la direction d’acteurs, comme celle du scénario, tient beaucoup au naturel de l’ensemble. Emporte-moi est au départ le classique film d’initiation, le passage de l’enfance à l’âge adulte avec les rites transitoires: premières règles, premiers baisers, premières révoltes. C’est le rythme, la fraîcheur des personnages, la finesse des dialogues qui donnent au film sa riche texture dans ce Québec des années 60 renaissant de ses cendres avec les inévitables musiques du temps et un montage sonore très inspiré. (Odile Tremblay, Le devoir, 13 février 1999, p. B5)
« Aucun des films de Léa Pool ne m’a procuré autant de plaisir que Emporte-moi. Un récit d’une merveilleuse fraicheur… Une performance spectaculaire de Karine Vanasse. » – THE TIMES, Londres / « Le public de Berlin touché en plein coeur par le film de Léa Pool.» – BERLINER MORGENPOST / « Karine Vanasse est L’ACTRICE RÊVÉE pour exprimer les profondeurs de l’adolescence.» – DER TAGESSPIEGEL, BERLIN