Il ne faut pas mourir pour ̤a РFilm de Jean Pierre Lefebvre

Plébiscité par les Cahiers du Cinéma, Il ne faut pas mourir pour ça est une douce chronique dans laquelle Jean Pierre Lefebvre nous raconte la lunaire histoire sentimentale d’un excentrique de trente ans.

https://www.filmsquebec.com/wp-content/uploads/2016/10/il-ne-faut-pas-mourir.jpg
Il ne faut pas mourir pour ça - Tableau noir

Il ne faut pas mourir pour ça – J’aimerai pouvoir transformer le cours des choses (image-ecran ©filmsquebec.com)

Grand prix ex-æquo du 5e Festival du cinéma canadien en 1967 [1] Il ne faut pas mourir pour ça est le quatrième film réalisé par Jean Pierre Lefebvre, après Le révolutionnaire (1965), Patricia et Jean-Baptiste (1966) et Mon oeil (1967). Le film, le premier en 35mm pour le cinéaste, est une chronique douce-amère relatant une journée ordinaire dans la vie d’Abel, un gentil excentrique un peu bohème, indifférent aux petits sursauts de son quotidien.

Incarné par Marcel Sabourin, qui est à l’origine du personnage, « Abel est un gars qui a arrêté de vivre. Il s’est congelé. Il s’est résigné. Je voulais que ce personnage vienne nous rappeler qu’il ne faut jamais se résigner mentalement, socialement et politiquement. » [2]

Abel est torturé entre deux femmes, Mary l’anglophone, qui le quitte pour s’installer à Paris et Madeleine la québécoise, douce, aimante, mais incapable de réinventer son univers. Remarqué par les Cahiers du Cinéma après qu’il ait remporté le premier prix au Festival international du jeune cinéma de Hyères, Il ne faut pas mourir pour ça aborde par le biais d’une histoire en apparence banale l’enfermement du Québecois, vivant sans pouvoir rien y changer son mal-être dans un pays qui n’est encore sien. La phrase « Certes, j’aimerais pouvoir changer le cours des choses » écrit à la craie sur le tableau noir d’Abel résume à elle seule toute l’impuissance des canadiens-français, malgré une volonté bien présente.

Marcel Sabourin dans Il ne faut pas mourir pour ça de Jean Pierre Lefebvre (copie écran ©filmsquebec.com)

Marcel Sabourin dans Il ne faut pas mourir pour ça de Jean Pierre Lefebvre (copie écran ©filmsquebec.com)

Déjà les thèmes chers au cinéma d’auteur canadien-français sont bien présents. L’avion en cage dans l’appartement d’Abel marque le désir de liberté, le père absent (nommé Napoléon, en signe de notre descendance française) est exilé au Brésil depuis 10 ans, et bien sûr l’ambiguïté de la relation entre les cultures anglaises et françaises. Mais « il ne faut pas mourir pour ça », n’est-ce pas? Le film de Lefebvre, peu souvent cité dans les rappels à l’histoire de notre cinéma ou autres listes d’indispensables, a pourtant su voyager dans le temps pour nous parvenir toujours aussi pertinent, plus de 50 ans après sa création.

Le personnage lunaire d’Abel fera l’objet d’une trilogie dont les deux chapitres suivants sont : Le vieux pays ou Raimbaud est mort, coproduction majoritaire avec la France mettant en vedette Anouk Ferjac et Myriam Boyer (1977) puis Aujourd’hui ou jamais (1998), la conclusion du parcours qui n’a hélas aucune des qualités des deux précédents opus. Il ne faut pas mourir pour ça avait été présenté à Berlin et à Grenoble en janvier 1969.

Copie écran de Claudine Monfette (Mouffe) dans le film Il ne faut pas mourir pour ça de Jean Pierre Lefebvre (1966)

Claudine Monfette (Mouffe) dans Il ne faut pas mourir pour ça de Jean Pierre Lefebvre (copie écran ©filmsquebec.com)

Réception critique

Ce qu’on peut reprocher le plus à l’auteur, c’est de ne pas nous donner l’impression que ses personnages vivent intérieurement. Ils sont là, ils bougent, ils parlent mais on sent trop que c’est l’auteur qui les fait bouger, parler. En somme, ils nous paraissent assez superficiels. [3]


Office des communications sociales : Ce film qui respire une certaine sérénité face à des situations pénibles, comporte des éléments de réflexion valables sur le plan humain. Il laisse transparaître une note de scepticisme pour les valeurs religieuses.


Dans le contexte nord-américain d’une extrême violence, l’homme québécois, réagit un peu comme M. Hulot. C’est à la fois pathétique et enfantin, merveilleux et désespérant. Qu’adviendra-t-il de lui ? Lefebvre pose la question mais ne répond pas. Il dit « ce sont les choses qui transforment Abel », mais il ne nous montre pas comment. À mon avis, c’est la faiblesse majeure du film. Lefebvre nous demande de prendre cette transformation pour acquise. Il demande au spectateur non seulement de participer à la création, mais de compenser sa propre insuffisance. [4]


Il ne faut pas mourir pour ça c’est précisément un film d’auteur. Pas facile, pas impeccable, pas emballant. Mais un film, tout de même, qui dit quelque chose, et qui le dit à la manière très personnelle d’un véritable auteur de cinéma. Je n’ai pas aimé, pour ma part, l’épuisante lenteur du rythme que Jean-Pierre Lefebvre a voulue, ni ce parti pris d’austérité dans les images, qui lui fait fuir les trop belles images, les trop beaux plans. Son film est photographié, du début à la fin, d’une manière qui me semble inattrayante (sic), mais il l’a choisie cette manière, sans doute par refus de céder au joli, au séduisant. Ça ne me plait pas, mais je suis bien loin de croire que Jean-Pierre Lefebvre a eu tort. [5]

Encart publicitaire Il ne faut pas mourir pour ça paru dans la presse québécoise au moment de la sortie en salle, au Dauphin

Encart publicitaire Il ne faut pas mourir pour ça paru dans la presse québécoise au moment de la sortie en salle, au Dauphin (©filmsquebec.com)

Références

[1] avec Warrendale d’Allan King – Festival du cinéma canadien: volet compétitif du Festival international du film de Montréal (FIFM, 1960-1967) destiné à récompenser les artisans du cinéma canadien.

[2] J P Lefebvre à Luc Perreault, La Presse, 17 oct. 1998, p. C3

[3] « Ve Festival du cinéma canadien » Léo Bonneville, Séquences : la revue de cinéma, n° 50, p. 34

[4] Michèle Favreau, La Presse, 23 mars 1968, p. 35

[5] René Homier-Roy, Le Petit Journal, 24 mars 1968, p. 57

Résumé

Une journée dans la vie d'Abel. Sa relation avec la gentille Madeleine, sa passion tourmentée avec Mary qui part pour Paris, un bon d'une valeur de 1 000 dollars dans son paquet de cigarettes, les choux à la crème, le capot de chat sauvage en plein mois d'octobre et même la mort de sa mère. Et au milieu de tous ces petits tremblements, Abel, un gentil trente

Distribution

Marcel Sabourin (Abel), Monique Champagne (la mère d'Abel), Suzanne Grossman (Mary), Claudine Monfette (Madeleine)

Avec la participation de : Lucille Bélanger, André Pagé, Denise Morelle, Gabbi Sylvain, Gaétan Labrèche, Zivart Cankul, Lusarif Atamoglu, Fleur-Ange Laplante

Fiche technique

Genre: chronique poétique - Origine: Québec, 1968 - Durée: 1h16 - Langue V.O.: Français, Anglais, autre inconnue - Visa: Non classé - Première: septembre 1967 - Sortie en salles: 15 mars 1968 - Tournage: du 14 au 25 novembre 1966 à Montréal - Coût approximatif: 54 000 $

Réalisation: Jean Pierre Lefebvre - Scénario: Jean Pierre Lefebvre, Marcel Sabourin - Production: Les Films J.P. Lefebvre - Distribution: Film Canada

Équipe technique - Assistant réal.: André Théberge - Montage images: Marguerite Duparc - Montage son: Pierre Bernier – Musique: Andrée Paul - Photographie: Jacques Leduc - Prise de son: Serge Beauchemin - Scripte: Sophie Testard

Infos DVD/VOD

Il ne faut pas mourir pour ça n'est pas disponible en DVD commercial au Québec mais a été numérisé par Éléphant.

Qui sommes-nous ?

Né en décembre 2008, Films du Québec est un site d'information indépendant, entièrement dédié au cinéma québécois de fiction. Films du Québec contient les fiches détaillées des films québécois, des actualités, des critiques et des bandes annonces et bien plus.
Création et administration : Charles-Henri Ramond, membre de l'Association québécoise des critiques de cinéma.

Catégories

Archives