[Critique] Nous sommes les autres… c’est pas moi, c’est lui

En dépit d’une facture visuelle soignée et des comédiens impeccables, Nous sommes les autres reste trop distant pour parvenir à créer une quelconque forme d’appropriation.

Pascale Bussières et Jean-Michel Anctil dans le film "Nous sommes les autres" de Jean-François Asselin (Crédit photo Sébastien Raymond)

Pascale Bussières et Jean-Michel Anctil dans le film « Nous sommes les autres » de Jean-François Asselin (Crédit photo Sébastien Raymond)

À partir d’une prémisse familière, Nous sommes les autres interpelle forcément à divers degrés. Crise identitaire, perte de repères sociaux, tensions familiales, incertitude du mâle québécois, les connexions à notre cinématographie nationale sont tangibles. Le récit possède cependant une couleur bien à lui, ambitieuse par moments, qui le démarque des drames québécois plus conventionnels lancés sur nos écrans. Une originalité d’ensemble qui se trouve renforcée par l’insertion de l’intrigue dans un milieu très peu utilisé par nos histoires, celui de l’architecture industrielle.

À partir de cette assise factuelle, dépeinte avec une précision presque clinique, les auteurs juxtaposent des métaphores évidentes à des êtres en pleine reconstruction de leur propre individualité. Ils rajoutent de surcroît une couche de mystère qui dérive progressivement vers le fantastique en jouant sur le dédoublement physique et psychologique du personnage de Frédéric, véritable pivot du film. Qui est-il réellement? Qui est cet homme en noir et blanc qui apparaît sporadiquement dans les rêves de Myriam? Quelle sera la destination finale de l’enquête de Robert? Le récit offre des pistes, mais laisse la plupart du temps au spectateur le choix de développer ses théories.

Cependant, et en dépit d’une facture visuelle soignée et par moments fort suggestive, ce scénario a du mal à livrer tout son potentiel. N’était-il pas trop trop complexe à embrasser dans un long-métrage de moins de deux heures? Toujours est0il que certaines ellipses rendent le propos confus, des détails factuels détonnent, et les séquences hyperboliques semblent désincarnées. Plusieurs baisses de rythme viennent aussi rompre le parcours organique de la construction chorale. Nous sommes les autres se perd alors dans le glacé des intérieurs hi-tech de son cabinet d’architecture et s’enfonce dans des méandres pour le moins obscurs. Il en résulte un film distant qui, malgré d’évidentes qualités de direction d’acteurs et des comédiens impeccables, peine à propager l’empathie et l’émotion. Le processus d’appropriation ne parvient jamais à s’établir. Un comble pour un récit qui paraissait au départ assez proche de nous.

Nous sommes les autres – Québec, 2017, 1h50 – Trois personnes marquées à divers degrés par la disparition d’un architecte reconnu doivent se réinventer pour avancer – Avec: Émile Proulx-Cloutier, Pascale Bussières, Jean-Michel Anctil – Scénario: Jean-François Asselin, Jacques Drolet – Réalisation: Jean-François Asselin – Production: Item 7 – Distribution: Les Films Christal

Ma note: 

Les notes :

★★★★★ Excellent
★★★★ Très bon
★★★ Bon
★★ Moyen
Mauvais

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