[Critique] La petite reine : en terrains connus

Certes habilement réalisé et mené tambour battant, La petite reine manque un peu de la profondeur nécessaire pour aborder ce qui restera longtemps comme le plus gros scandale sportif québécois ou pour le déplacer sur un terrain plus global.

Laurence Leboeuf dans le film La petite reine (réal. Alexis Durand-Brault, 2014 - ©Films Christal)

Laurence Leboeuf dans le film La petite reine (réal. Alexis Durand-Brault, 2014 – ©Films Christal)

L’orthopédiste, la fameuse entrevue devant des médias dubitatifs, les sévices reçus par son entraîneur, la tente hypoxique, le père complice… La petite reine reprend presque tous les faits saillants de la fin de carrière de la « p’tite Jeanson ». Une période que l’on pourrait circonscrire aux trois ou quatre ans est ainsi condensée dans une intrigue s’étalant sur quelques semaines à peine. Un laps de temps qui paraît trop court et qui oblige les scénaristes à enfiler les drames et les rebondissements.

La petite reine donne assez vite l’impression de n’être qu’une suite d’événements enchaînés les uns derrière les autres à un rythme d’enfer, sans que l’on n’ait vraiment le temps de les mettre en perspective. Il faut avouer que l’angle choisi par les auteures Sophie Lorain et Catherine Léger était plus que délicat. Ne pas faire une biographie mais reprendre des faits pour la plupart véridiques et connus, amène de facto une relative impression de manque d’intérêt. De cette affaire fortement médiatisée, nous n’apprendrons donc rien de neuf, surtout après s’être replongé dans les enquêtes de Alain Gravel qui font amplement le tour de la question.

Le scénario, ficelé façon discours officiel, manque donc d’un peu de profondeur pour permettre de faire ressortir la complexité du personnage central, sans doute plus ambigu qu’il n’en est fait état ici. Les scénaristes ne dérogent pas de l’imagerie de victimisation qui s’est forgée dans l’inconscient collectif, jetant l’opprobre sur l’entourage autant sportif que familial de la championne. Pression des commanditaires, rôle de modèle auprès de la jeunesse, obligations extra-professionnelles, jalousie des coéquipières, autant de rançons de la gloire dont on ne détache pas facilement quand on est une talentueuse athlète à peine sorti de l’adolescence.

Si toutes ces raisons sont certainement très justes, elles offrent au film des alibis commodes pour ne pas s’aventurer sur des chemins plus exploratoires. Trop concentré à relater les faits, La petite reine ne prend pas le recul nécessaire pour élargir son propos à un contexte plus général.

La petite déception provoquée par ce scénario restant trop en surface est compensée par des aspects techniques qui, sans être sans défauts, s’en sortent honorablement. Hormis une musique – encore – trop appuyée et des effets de ralentis – encore – trop présents, le réalisateur de Ma fille, mon ange parvient à rester centré sur son sujet et à équilibrer les incessantes variations de rythmes. Les scènes de course sont parfaitement filmées, l’interprétation est justement maîtrisée, surtout les personnages devant faire preuve de force de caractère (Leboeuf, Robitaille), tandis que Denis Bouchard, tout en retenue, incarne de belle manière un père aveuglée par la gloire de sa fille. Voilà quelques bases d’assise solides qui renforcent la crédibilité du film, à défaut de pouvoir lui donner profondeur et force dramatique.

La petite reine ne sera donc pas une tragédie épique témoignant de la gangrène qui mine le sport professionnel. Toutefois, le film de Durand-Brault n’est pas raté pour autant et constitue un drame sportif habilement mené qui possède suffisamment de rythme et de tension pour conserver l’attention du spectateur. Ce n’est déjà pas si mal, et ça change des joutes de hockey.

La petite reine – drame sportif – Québec, 2014, 1h48 – les derniers moments de gloire d’une jeune cycliste rattrappée par ses histoires de dopage – Avec: Laurence Leboeuf, Patrice Robitaille, Denis Bouchard – Scénario: Sophie Lorain, Catherine Léger – Réalisation: Alexis Durand-Brault – Production: Forum FIlms – Distribution: Séville

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