La présentation, le 21 juillet 2024, du long métrage de fiction québécois Chanson pour Julie dans la section Genre du pays du Festival Fantasia était la première projection du film depuis sa sortie en salle, en 1976. Autrement dit, un petit événement, d’autant plus rare que le film n’est disponible nulle part ailleurs. Impossible donc de se rabattre sur un vieux « rip » de TV, de VHS et encore moins une version numérique.
Produite par le grand Pierre Lamy (Deux femmes en or, Les mâles, La maudite galette, Il était une fois dans l’est, entre autres), Chanson pour Julie est une bizarrerie tout à fait incroyable. En premier lieu parce que cette bluette sentimentale réalisée par Jacques Vallée (ce fut son seul long métrage), est la seule participation à un film de fiction de l’illustre compositeur et interprète Jean-Pierre Ferland.
Dans ce scénario dont il a suggéré l’idée originale au réalisateur, l’interprète de « T’es belle » y incarne Paul, un musicien en vogue, qui, alors qu’il est en train de préparer son nouvel album, se fait harceler par Julie, la fille de son producteur incarné par Lucien « Frenchie » Jarraud.
Anne Dandurand prête ses traits à l’adolescente qui entretient depuis sa plus tendre enfance un amour profond et sincère pour le chanteur. Dans des rôles secondaires ou des caméos, on peut voir Jacques Thisdale, Gilles Valiquette et André Perry, figure bien connue de la musique au Québec puisque le studio d’enregistrement de Morin-Heights a vu défiler de nombreuses vedettes internationales.
Il y avait donc un intérêt certain à découvrir cette œuvre qui n’a, à ma connaissance, jamais été présenté à la Cinémathèque. La projection de la très belle copie de Bibliothèques et Archives Canada (BAC) venait rassasier la curiosité de la quarantaine de personnes présentes.
Disons que si les attentes étaient importantes, la déception l’a été tout autant. Avec un récit mieux développé, une mise en scène plus assurée et des comédiens de métier, on aurait peut-être pu arriver à quelque chose de probant. En l’état, incapable d’oublier le rythme déficient et une mise en scène approximative. Impossible non plus de passer outre les faiblesses des dialogues et l’intrigue abonnée au régime minceur qui ne tire rien de bon de son sous-thème le plus intéressant: la dépendance affective de l’ado enamourée, assimilée dans les tous derniers plans comme une forme de trouble mental.
Cela ne serait pas si grave si Vallée avait su diriger ses comédiens. Or, leurs approximations sont le point faible le plus flagrant du film. En dehors de soupirs et de réflexions plates, Ferland ne fait rien ressortir de son quarantenaire sombre, désabusé de la vie suite à deux mariages ratés. Pour sa part, Anne Dandurand surjoue à peu près toutes ses scènes. Non seulement son charme enfantin n’opère pas, mais elle n’arrive jamais à rendre crédibles les sentiments de cette midinette pourrie-gâtée qui rêve de devenir une bonne mère et une bonne épouse auprès de son idole d’enfance. Insupportable dans ses « braillages » ou ses fous rires inarrêtables, ce personnage de conte de fées apparaît en outre totalement anachronique dans le contexte de la libération de la femme qui battait son plein dans les années 1970 au Québec.
Donc, à l’issue de la projection, on comprend mieux pourquoi Chanson pour Julie a été boudé par le public, snobé par la critique et rancardé illico presto. Resteront toutefois en mémoire quelques images bucoliques du regretté François Protat, une illustration, aussi limitée soit-elle, de Jean-Pierre Ferland au travail (quoique la plupart des passages musicaux soient de très courte durée), et deux ou trois belles « tounes » qui servent surtout d’ornement. Voilà, c’est fait, on l’a vu, Chanson pour Julie peut retourner sur les tablettes pour les 48 prochaines années.