Une bande annonce qui ne dit rien qui vaille. Une non-sélection cannoise pour un habitué. Une campagne médiatique des plus étranges. Une rumeur plus que négative après la première, et enfin, cerise sur ce qui n’est pas un gâteau, une projection de presse organisée à la dernière minute, la veille de la sortie en salles. Les signes avant-coureurs étaient suffisamment nombreux pour pour donner un avant-goût de ratage, de mauvais film dont on ne sait trop quoi faire mais qu’il faut pourtant bien montrer au public. Vous qui lisez ces lignes, vous aurez, au moment de choisir d’aller en salle, accès à de nombreuses critiques, toutes ou presque négatives. Ce court texte ne dépareillera pas de l’ensemble.
C’est que les faiblesses de Le règne de la beauté sont à ce point visibles qu’elles ne peuvent que faire l’unanimité. Au premier plan de celles-ci, on reste sans voix devant une histoire aussi vide de sens, en plus d’être somme toute très banale. Et ce n’est pas tant le manque d’originalité qui est en cause ici, mais bien l’absence totale d’enjeux de l’intrigue et le manque de consistance des personnages, sans même mentionner une réalisation froide et superficielle, qui effleure à défaut de sonder. Dans cette bluette digne des romans Harlequin, nous aurons bien droit aux beaux paysages charlevoisiens, au tape à l’œil de belles cabanes à l’architecture très tendance, au clinquant des hôtels luxueux et à des veillées de Noël aussi quétaines qu’impensables (le ridicule de la messe de minuit a de quoi faire rire!). Voulait-t-on nous faire prendre conscience de la fatuité du monde ? Voulait-on dénoncer un style de vie ou simplement rendre hommage à ces « belles » choses qui nous entourent ?
Car au milieu de ces cartes postales au papier bien lustré, Arcand – en de très rares occasions – s’amuse à dénigrer ce (ou ceux) qu’il présente (lors d’un repas, une réflexion sur la belle voiture que Luc a achetée aux enchères ou lorsque Stéphanie découvre la guerre en Palestine lors d’un documentaire à la télé et qu’elle s’insurge de cette « autre » réalité). Mais ces touches plus graves (de même que la détresse psychologique ou la mort) sont traitées avec tant de désinvolture qu’elles restent totalement anecdotiques. En matière de vacuité, les personnages ne sont pas en reste. Ils n’ont absolument aucune consistance, aucune personnalité, et sont laissés à eux-mêmes sans direction aucune. Ils n’existent pas, n’expriment rien, et sonnent faux de la première à la dernière minute. À croire que leur talent seul pouvait sauver des personnages aussi désincarnés.
Se rapprochant bien plus du ratage de Stardom (2000) que des mémorables réunions entre copains du Déclin (1986) ou des regrets amers des Invasions (2003), Le règne de la beauté, est une romance dépassée, pédante et vide, filmée à la manière d’une telenovela qui aurait du budget.
Le règne de la beauté – romance – Québec, 2014, 1h43 – un jeune architecte de la région de Charlevoix vit une aventure amoureuse avec une torontoise tandis que sa femme sombre peu à peu en dépression – Avec: Éric Bruneau, Mélanie Thierry, Melanie Merkosky, Marie-Josée Croze – Scénario et réalisation: Denys Arcand – Production: Denise Robert, Daniel Louis – Distribution: Films Séville
Ma note:Â