Entrevue avec Rafaël Ouellet à propos de New Denmark

Regard sur New Denmark, la dernière réalisation d’un cinéaste indépendant qui nous livre ici une Å“uvre personnelle d’une rare force d’attraction. À découvrir absolument.

New Denmark de Rafaël Ouellet (Carla Turcotte)

New Denmark de Rafaël Ouellet (Carla Turcotte)

Le plus récent film de Rafaël Ouellet, New Denmark sort enfin au Cinéma parallèle de Montréal. À cette occasion, j’ai demandé au réalisateur de Le Cèdre penché et de Derrière moi de nous parler de son film.

Films du Québec : Rafaël, et si tu commençais par présenter New Denmark en quelques mots?

Rafaël Ouellet : New Denmark est un troisième film réalisé en 3 ans, un troisième film tourné dans le bas-du-fleuve de mon enfance. Et parce qu’ils sont rapprochés l’un de l’autre en terme d’espace et de temps, les thèmes, les ambiances et les personnages s’entrecroisent. Chaque film devient la suite ou l’origine de l’autre. Sans parler d’une trilogie (loin de là) les trois films vivent bien ensemble. Des acteurs non-professionnels, l’économie de mots, cette monotonie rurale, la solitude, l’absence parentale. La musique aussi. Je revendique ces similitudes.

FQ : Trois films en trois ans, est-ce que c’est un besoin vital le cinéma?

RO : J’ai l’énergie pour le faire. Les idées aussi. Et l’envie. Je pourrais en faire deux par an si j’avais la liberté financière. Ce besoin de créer, de raconter, de communiquer, il est bien présent, mais il y a aussi cette nécessité de vivre des expériences cinéma concrètes, d’y toucher. Par exemple en 2010 je ne tournerai pas de film, alors c’est pourquoi j’échelonne, j’étire, le montage du docu-fiction tourné l’été dernier, question d’avoir les deux mains dedans. Et c’est sans parler de l’écriture.

FQ : Derrière moi avait eu droit au financement des institutions, mais pas New Denmark. Pourquoi ?

RO : New Denmark n’a pas été proposé aux institutions. C’est un autre coup de tête comme Le Cèdre penché l’a été en 2006. L’envie de faire sans attendre, là, maintenant. Quand les ressources sont là, pourquoi s’en priver? Et cela permet aussi d’exister, sans avoir à attendre les gros sous et les grosses caméras et les gros moyens. Mon prochain film sera surement financé par les institutions, il est dans la machine présentement, mais cela demande un travail de fond et une certaine patience. Entre-temps, je peux explorer et créer en toute liberté, avec des oeuvres plus minimalistes, plus intimes, et plus confidentielles aussi. Ceci étant dit, si un jour je devais devenir un réalisateur que l’on finance assurément aux 3 ou 4 ans, je vais tout de même continuer de faire ces films plus personnels en attendant mon tour.

FQ : Est-ce si difficile que ça de faire du cinéma indépendant au Québec?

RO : Je serais bien mal placé pour dire que tout ça est difficile. Comme tout métier, tout art, évidemment c’est beaucoup de travail. Mais jusqu’ici j’ai été plutôt chanceux, les choses s’enchainent à un rythme qui me convient. Ce qui est difficile, c’est de se faire voir, d’intéresser le public.

FQ : Ta filiation avec Denis Côté est assez visible dans ce film. Côté (lui aussi très prolifique), Giroux, Galiero, Lafleur, et d’autres est-ce que tu as l’impression de faire partie d’un courant créatif qui se renouvelle ? D’une sorte de nouvelle vague québécoise?

RO : Mon cinéma et celui de Denis ne se ressemblent qu’en raison des moyens techniques similaires. Évidemment mon expérience sur ses deux premiers films (montage de Les États nordiques, image de Nos vies privées) a influencé la façon de faire mes films, ceux à petits budgets. Mais je crois que sa filmographie et la mienne sont à des kilomètres l’une de l’autre.

Non seulement je n’aime pas le terme nouvelle vague québécoise, mais je ne crois pas qu’elle existe non plus. Il est possible de faire des liens entre tous ces cinéastes, trouver des recoupements entre certains films, mais au final, nous sommes tous sur nos petites planètes, à faire nos trucs en solitaire. On est loin des collaborations qu’on pouvait retrouver dans la vraie nouvelle vague, ou même dans le cinéma direct, ici au Québec. Et je cherche encore les liens dans nos films qui pourraient faire de nous une nouvelle vague. Si tel était le cas, comme nous sommes des habitués des festivals internationaux, quelqu’un quelque part nous aurait réunis dans un même programme, une même bannière.

Par contre, si on veut parler d’une génération de cinéastes, alors là oui. Mais il faut inclure aussi Yves Christian Fournier, Simon Lavoie, Henry Bernadet, Myriam Verreault, Anaïs Barbeau-Lavalette et Sophie Desraspe. Et c’est cette génération qui m’intéresse, dans le cinéma québécois. À peu près rien d’autre.

FQ : Je pense que tu as un talent inné pour choisir tes comédiens, tellement ils semblent faits pour tes scénarios. Présente-nous donc du casting de New Denmark et dis-nous comment tu les as trouvés.

RO : Ce sont tous des jeunes que j’ai croisés ici et là dans mon village. Une bouille intéressante, un éclair dans l’œil, une photogénie naturelle ou tout simplement un intérêt pour le cinéma. Dans le cas de Carla Turcotte, et aussi pour Alexandra Soucy et Sophie Bérubé, ce sont trois filles que l’on peut voir dans la séquence de soccer de Derrière moi. Trois visages, trois énergies, que j’avais en tête au moment d’écrire New Denmark. Gilles-Vincent Martel avait un petit rôle dans Le Cèdre penché, il a fait des musiques pour mes deux premiers films. Marco Bentz quant à lui a une gueule de cinéma assez puissante que j’avais remarquée dans un kino il y a déjà longtemps. J’aime cette idée de collaborer avec des gens près de moi, des gens qui me ressemblent, et qui ont envie de le faire pour l’art ou pour l’expérience. C’est non seulement nécessaire dans le cadre de telles productions, mais aussi très stimulant.

FQ : Et après cette sortie en salles quel chemin prendra New Denmark? Les festivals ?

RO : Mon film a déjà fait sa ronde de festivals, je ne crois pas qu’il lui reste une vie de côté là. Karlovy Vary fut une expérience extraordinaire, et j’aurais cru que le film bénéficierait d’un certain attrait par la suite, mais aucun distributeur n’a voulu du film. Avec la vie qu’on connut les films des cinéastes mentionnés plus haut, dont les miens, je peux comprendre. Je ne suis pas amer. Seulement, c’est pas mon travail de distribuer des films, et j’y perds énormément d’énergie. Quand il y aura des papiers sur mon film en raison de sa sortie au cinéma parallèle, ça va peut-être faciliter la distribution dans les salles indépendantes à l’extérieur de Montréal.

FQ : Et enfin, est-ce que tu as des projets ?

RO : Monter le film tourné l’été dernier. Financer Camion, que je prévois tourner à l’automne 2011. Écrire les 2 prochains films. Distribuer New Denmark. Trouver une façon de faire exister Le Cèdre penché. Et rappeler aux gens que Derrière moi est disponible dans en DVD.

New Denmark – Québec, 2009 – Une jeune femme sans nouvelle de sa soeur décide de partir à sa recherche et parcours les bois et les prés du bas du fleuve et du Nouveau Brunswick. Sa quête intérieure se fera plus intense au fur et à mesure que les indices surgissent – Durée: 1h12 – Scénario et réalisation: Rafaël Ouellet

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