… histoire de voir qui se cache derrière ce réalisateur encore peu connu du grand public (pas pour longtemps croyez moi) et dont le premier film, Snow & Ashes, sortira dans un mois au Québec. Il a bien voulu répondre sans détour sur ses motivations, ses envies de cinéma et son travail dans ce projet.
FQ: J’ai vu tes deux films et je me demandais ce qui t’avais décidé à embarquer dans le projet de Sur le Rythme, radicalement différent de Snow & Ashes et qui ne semble pas vraiment venir du même réalisateur.
R: Comme j’ai déjà dit auparavant à la rigolade, j’ai un nom composé, alors Charles fait le cinéma d’auteur, personnel et intime; et Olivier fait le cinéma populaire, dans ce cas, un film de danse.
Sérieusement, j’ai accepté de faire ce film pour le défi technique de filmer de la danse, de créer un monde urbain, underground, en intégrant des danseurs, souvent non-acteurs, mais surtout des artistes au sens pur. Au cinéma, on peut tricher un meurtre, une explosion, des singes qui agissent comme des humains et se révoltent, mais on ne peut pas tricher la danse. Le défi était de taille et c’est ce qui m’a attiré.
De plus, j’admire les réalisteurs tels Alfonso Cuaron et Steven Soderbergh qui se réinventent à chaque film. Cuaron passe de Y tu Mama Tambien à Harry Potter; de Great Expectations à Children of Men et maintenant à Gravity dans l’espace. Pareil pour Soderbergh qui passe de Bubble à Ocean’s Eleven dans la même année, ou de Girlfriend Experience à Contagion. J’ai pleins d’intérêts, et le défi de mettre en scène un art aussi complet que la danse m’attirait.
FQ: Comment est-ce que l’on aborde un tel film ? Est-ce que tu as adapté tes techniques de réalisation pour apprivoiser les scènes de danse, ce qui ne s’est jamais vraiment fait ici à la grandeur d’un long métrage.
R: J’ai dû m’adapter complètement à cet univers qui m’était inconnu. Heureusement, Nico a été un guide extraordinaire. Il m’a emmené dans le ventre du monde de la danse. Je suis allé voir des freestyles, des Battles de danseurs, et aussi des salles plus compagnies de danse plus strictes.
Pour la réalisation, je voulais premièrement filmer à l’épaule. Jamais je n’avais vu de film de danse filmé de cette manière. Normalement, la danse est filmée très droite, de loin afin de montrer tous les mouvements et les corps des danseurs. C’est exactement ce que je ne voulais pas faire. J’ai donc rejeté l’utilisation d’un trépied, et avec mon directeur photo, Jean-François Lord, on a fait toutes les séquences de danse à l’épaule, ainsi qu’en Steadicam. C’était génial de suivre les danseurs de si près. On était comme un troisième partenaire dans les chorégraphies. Je me souviens de moments où les danseurs se sentaient déstabilisés par notre présence si proche, mais aussi, ils voyaient vraiment bien que je tentais quelque chose de nouveau. Et 6 mois plus tard, après le tournage, le film Black Swan est sorti et j’ai constaté qu’Aronofsky avait approché sa danse de la même manière, à l’épaule, de façon très organique avec les danseurs.
Pareil pour Montréal. J’ai eu envie de montrer un Montréal que je connais moins, en tant que gars de Québec qui y vit que depuis deux ans et demi. Pour moi, Montréal est une ville qui est vivante, multi-culturelle, et pas raffinée du tout. Et j’aime son côté dur, « rough on the edges », comme on dit en bon français! J’ai poussé pour qu’on trouve des lieux qu’on n’avait pas encore vus au cinéma: sous le pont Jacques-Cartier avec ses poutres d’acier rouillées et bruyantes, le Chinatown, pour lequel j’éprouve une affection particulière. Je voulais tourner là et je suis bien heureux qu’on ait pu s’y retrouver le temps de quelques scènes. Pareil pour les hangars aux limites de la ville d’où on voit les gratte-ciel à quelques pas, ainsi que le train qui passe. Je me souviens avoir attendu le train passer très tôt le matin, car je voulais le filmer avec le lever du soleil. C’est le Montréal que je connais, et dans la danse, il y a quelque chose d’urbain, de moderne, comme la ville.
FQ: Dans le film, le personnage de Mylène St-Sauveur poursuit son rêve coûte que coûte, de même que dans Snow & Ashes, la recherche de l’ami disparu se fait au prix d’un grand danger. Bien que tu ne sois pas l’auteur du scénario, est-ce que tu as pu apporter des éléments plus personnels à l’histoire. Et si oui, lesquels?
R: Je n’ai pas participé au scénario, mais je dois avouer que tout l’élément de dépassement a résonné chez moi. Faire du cinéma était un rêve d’enfance, et comme le personnage de Mylène, il a fallu que je me batte pour réaliser ce rêve.
Cependant, mes parents m’ont toujours supporté et soutenu dans tout ce que je fais. Je suis choyé. Je sais que ce n’est pas le cas de tout le monde. Autant qu’on puisse dire que de parler de dépassement peut être cliché dans un film, autant c’est très près de la vérité. Qu’on veuille devenir danseuse, cinéaste, acteur, médecin, chanteur, ou autre, il faut persévérer. Et ça, je crois que c’est la réalité de beaucoup de jeunes et moins jeunes. Suivre ses rêves, pourquoi pas!
FQ: Enfin, on peut supposer que Sur le Rythme sera un grand succès au box-office. Est-ce que cela va changer ta vision ou ta façon d’aborder ton métier?
R: Ma façon d’aborder le cinéma n’a pas changé et ne changera pas. Je crois en la diversité et je crois que le cinéma Québécois en est un bon exemple. On a d’excellents films d’auteurs, et aussi d’excellents films populaires. Pour être bien équilibré, nous devons avoir des deux, car le public le demande. Et cette diversité peut aussi s’appliquer aux artistes eux-mêmes. J’aime quand un cinéaste, un acteur, un auteur nous surprend par les choix de ses oeuvres.
Sur le Rythme est un film du présent, actuel, pour ne pas dire ponctuel, qui est fait pour plaire à un public assez précis, soit les jeunes. On a fait le film pour eux, et s’ils vont le voir et l’aiment, le film aura rempli sa mission. Il n’y a aucune prétention dans ce film, et ça met en scène la danse, et une tonne de danseurs d’ici dont nous sommes très fiers.
Pour moi, Sur le Rythme était un grand défi technique. Surtout aux niveaux de la danse, de la musique, des chorégraphies, de la photo et du montage. Aussi de travailler avec Nico représentait un bel attrait. C’est un gars super créatif. Pareil pour Mylène qui m’avait beaucoup impressionné dans 51501. J’ai les ai choisis les deux et je suis fier d’eux.
Ce fut un plaisir de sortir de mon univers plus personnel, de me dépayser. Snow & Ashes est mon film d’auteur, et j’ai un autre projet qui s’inscrit tout à fait dans ce même parcours créatif et qui explore une autre profession qui me fascine. Dans Snow & Ashes, ce sont les journalistes de guerre, et dans ce prochain film, ce sont les travailleurs humanitaires. Cependant, comme les deux cinéastes mentionnés ci-haut, je trouve que le cinéma est le monde parfait pour se réinventer d’un projet à l’autre.
Même si moi je ne danse pas, j’ai un énorme respect pour les danseurs. De plus, c’est une belle chance rare que de mettre en scène dans un film une autre forme d’art.
Avant d’être cinéaste, je suis cinéphile, passionné de cinéma. J’essaie de tout voir ce qui est possible. J’adore le cinéma roumain obscur, le cinéma chinois, japonnais, les films de guerre sont une passion pour moi. Mais j’aime aussi un film qui nous en met plein la vue comme avec la danse et qui nous fait passer un bon moment le temps du film. Sur le Rythme, c’est ça.
sur le rythme – Québec, 2010 – Une jeune femme passionnée de danse délaisse famille et études. Elle tombe amoureuse d’un danseur rebelle et parvient à participer à des concours prestigieux – Avec: Nico Archambault, Mylène St-Sauveur, Marina Orsini – Scénario : Caroline Héroux – Réalisation: Charles-Olivier Michaud – Production: Christian Larouche, Caroline Héroux – Distribution: Les Films Christal
Ma note:
1 : Mylène St-sauveur était la fille de la famille de fous dans 5150 rue des Ormes, sorti l’an dernier.