[Critique] Diego Star : vies à la dérive

Glacé par la torpeur hivernale et baigné de lumières blafardes, Diego Star est une première œuvre sobre dans laquelle deux être solitaires rapprochés par les circonstances tentent de faire face à des contingences qui les dépassent.

Chloé Bourgeois dans Diego Star (réal. F. Pelletier, 2013 - Métropole Distribution)

Chlo̩ Bourgeois dans Diego Star (r̩al. F. Pelletier, 2013 РM̩tropole Distribution)

Écrasés par le poids d’une condition sociale et matérielle difficile à assumer, ils tenteront le temps de quelques bordées de neiges de trouver la force de s’entraider. Mais la solidarité a des limites et la combat est inégal. Les personnages sont marqués par une réalité sociale froide et injuste, qui appelle sans cesse la rébellion.

Car Pelletier ne se laisse pas entraîner dans une histoire d’amour beaucoup trop improbable pour tenir la route. En cela, le scénario évite de tomber dans le cliché. Il établit la relation de Traoré et Fanny qui, si l’on sent un rapprochement entre les deux personnages, en reste au niveau de la pure nécessité. Elle comme lui ont besoin de l’autre. Un besoin qui aurait pu se transformer en autre chose de plus profond si leur cohabitation s’était établie sur la durée. Or, l’auteur casse nette toute idée de futur en brisant le duo par un mensonge et une désillusion matérielle, poussant la jeune femme à s’extirper de cette relation qui n’en est pas une. Car c’est bien le besoin d’argent qui régie les rapports humains. Les propriétaires du bateau menacent de ne pas payer les marins, Fanny accueille Traoré contre rétribution. Et lorsque ce lien matériel est brisé, les êtres se séparent. Les autorités retournent leur veste, les collègues du mécanicien le lâchent pour être sûrs de recevoir leur paye et Fanny le met dehors lorsqu’elle apprend qu’il est licencié. À toutes les étapes de l’intrigue, les auteurs font preuve d’un fatalisme qui est peut-être déroutant au premier abord mais qui traduit bien l’empreinte de notre société sur ses sujets.

Usant de nombreux plans fixes et utilisant la plupart du temps une lumière naturelle, Diego Star suit les codes traditionnels au cinéma d’auteur québécois. Le film se caractérise également par le parallèle qu’il établit entre deux univers opposés, les intérieurs calmes et souvent reposants, lieux de retrouvailles et de socialisation et les décors naturels froids, métalliques et inquiétants du bateau métaphorique et du chantier maritime Davie, où le film a été en partie tourné.

Tout en silences et en non-dits, Diego Star repose sur deux visages forts, incarnés par des  comédiens peu connus, Issaka Sawadogo et la magnifique Chloé Bourgeois  que l’on ne voit décidément pas assez et qui habite à merveille son rôle de jeune mère monoparentale. Hélas l’interprétation des personnages secondaires est très inégale. Mais malgré ses défauts, et à l’instar de Sarah préfère la course, sorti plus tôt cette année, Diego Star constitue pour Frédérick Pelletier une prometteuse carte d’affaires.

Diego Star – Drame psychologique – Québec-Belgique, 2012, 1h30 – Un marin africain est immobilisé à Québec après que son navire ait subi un dommage majeur. Il trouve le gîte chez Fanny, une jeune mère monoparentale. Mais bientôt il est accusé d’être la cause de l’accident. – Avec: Issaka Sawadogo et Chloé Bourgeois – Scénario et réalisation: Frédérick Pelletier – Production: Metafilms (Qc), Man’s Film Productions (Bel) – Distribution: Métropole

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★★★ Bon
★★ Moyen
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