[Critique] Iqaluit : le deuil et la rédemption

Drame méditatif chargé de mystères, Iqaluit offre la rencontre de deux personnages atteints d’une profonde déstabilisation intérieure faisant écho à une région polaire superbement filmée. Si le drame est intense, sa résolution est un peu trop facile.

Image des comédiens Marie-José Croze et Natar Ungalaaq dans Iqaluit de Benoit Pilon

Marie-José Croze et Natar Ungalaaq dans Iqaluit de Benoit Pilon

C’est en se basant essentiellement sur la déstabilisation émotionnelle et psychologique de ses protagonistes qu’Iqaluit de Benoît Pilon, tire son attrait principal. L’impression d’étrangeté qui se dégage de l’ensemble doit beaucoup à la direction photo de Michel La Veaux qui parvient à sublimer autant les bleus de la nuit arctique que les ocres délavés des toundras désertiques. Drame méditatif et chargé de mystères, Iqaluit est évidemment une Å“uvre de pure fiction. On y reconnait toutefois le passé de documentariste de Benoît Pilon dans sa capacité à dépeindre minutieusement une lande marquée par la décrépitude, l’immensité et l’isolement ou encore par son déroutant jour sans fin. Comme l’avait fait Flaherty et bien d’autres documentaristes avant lui, Pilon filme l’interaction du lieu et de ses habitants, montrés dans divers moments du quotidien. Sans fard ni pathos, avec le naturel de comédiens pour la plupart non professionnels, il fait ressortir par petites touches plusieurs références sur les conditions de vie contemporaines des Inuits, filmés chez eux, à l’hôpital ou au travail. L’auteur rappelle leur déchirement entre l’inévitable développement économique et le désir de ne pas voir disparaître les traditions, telles que la taille de statuettes ou les repas pris en commun autour d’un amas de viande crue.

La surréalité qui émerge de cette région arctique fait écho au fardeau de Carmen, incarnée par une Marie-Josée Croze, distante, presque effacée, dont l’intériorité évoque celle de son rôle de femme flic perdue dans les Andes à la recherche des assassins de sa famille dans Another Silence (Santiago Amigorena, 2011). Cependant, malgré sa sobriété, ce troisième long métrage de fiction de Benoît Pilon peine à satisfaire pleinement. En plus de ressembler assez étroitement à Uvanga de Marie-Hélène Cousineau et Madeline Piujuq Ivalu (2014), le scénario d’Iqaluit souffre d’une langueur frôlant la monotonie, de personnages secondaires manquant de consistance et offre en guise de rédemption aux drames enfouis une finale beaucoup trop explicative (avait-on besoin de ce retour en arrière?) à la morale convenue. En quelques minutes, tout ce que l’imagination du spectateur avait tissé durant l’heure précédente est justifié, compris, digéré. Et c’est bien dommage.

Iqaluit – Québec, 2016, 1h43 – Au Nunavut, une femme dont le mari vient de décéder suite à un mystérieux accident cherche à comprendre ce qui a bien pu se passer – Avec: Marie-Josée Croze, Natar Ungalaq, François Papineau – Scénario et Réalisation: Benoît Pilon – Production: ACPAV, Piksuk Media – Distribution: Les Films Séville

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