[Critique] Sarah préfère la course: belle épreuve

Grâce essentiellement à son personnage patiemment construit et parfaitement incarné, Sarah préfère la course constitue une entrée en matière de taille pour la jeune cinéaste Chloé Robichaud. Dommage toutefois que le film tienne pas entièrement la distance.

Filmée avec une direction photo volontairement grisâtre, presque lugubre, Sarah est une personne sans relief, dénuée de toute forme de relation sociale, du moins celle que l’on s’attend normalement à voir pour une jeune femme dans le début de la vingtaine. Elle aborde la vie avec la méfiance d’une enfant à la gaucherie parfois risible, ne connaissant rien d’autre que la course à pied.

Sarah préfère la course de Chloé Robichaud en salles le 7 juin (Sohie Desmarais - source Films Séville)

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L’absence de sentiments visibles, en dépit de la rareté des expressions de Sarah révèlent une personnalité qui doute encore et qui cherche par tous les moyens à s’affirmer, non pas avec des codes communs, mais plutôt à sa propre manière. Le masque de l’impassibilité qu’elle révèle aux autres, sa relative froideur, semblent tout droit hérités des joutes sportives, où jeux d’apparences et émotions feintes sont souvent de mise.

Chloé Robichaud dresse ici le portrait d’une personnalité complexe, un être fragile en pleine construction, mais aussi doué d’une obstination hors de l’ordinaire. Par petites touches, dosées sagement et patiemment, la réalisatrice dessine une jeune femme dont la course est tout ce qu’elle contrôle de sa vie, tandis que les aspects plus intimes de sa personnalité semblent encore lui échapper. Bien que le personnage évolue assez peu dans le film, Sarah prend conscience des sursauts de son corps et connaîtra les émois d’un amour naissant. Une profonde révélation qui se fera au contact de sa collègue de piste Zoey, lors d’un karaoké sensuel ou sous une douche embuée, deux très belles scènes du film. Pour incarner cette ode à la différence, à une féminité moins ostantatoire, Sophie Desmarais, dont la petitesse et le visage d’enfant collent parfaitement au personnage, livre une performance de premier ordre, dans une distribution par ailleurs très juste et dirigée adroitement.

Hélas, à l’instar de son personnage principal, le film a le souffle un peu trop court. Le problème majeur tient dans un scénario au ressort dramatique tiré par les cheveux. Les problèmes cardiaques de Sarah, dont la résurgence peu après la moitié du film, deviennent dès lors la principale justification de la course finale, prenant le pas sur l’évolution des relations entre les personnages.

Ce revirement, tellement peu crédible pour une athlète qui fait de l’effort physique depuis de nombreuses années, nous oblige à devoir abandonner le triangle amoureux qui se dessinait entre Sarah/Antoine/Zoey, alors qu’il aurait pu être étudié plus avant, dans un contexte de compétition sportive intéressant. Signalons également quelques tics d’une mise en scène un tantinet « arty » (plans fixes de belles images tout droit sorties de revues de design) pas toujours nécessaires. Malgré tout, ce premier film recèle une bien belle promesse, celle de voir une autre jeune cinéaste rejoindre les rangs, aux côtés des Anne Émond ou Sophie Deraspe.

Sarah préfère la course – Québec, 2013, 1h35 – une jeune coureuse de demi-fond débarque à Montréal et intègre l’équipe d’athlétisme de l’Université McGill. Mariée pour des raisons monétaires, la jeune femme ne peut se résoudre à une vie de couple ordinaire, tandis qu’elle se sent attirée par sa collègue de piste – Avec: Sophie Desmarais, Jean-Sébastien Courchesne, Geneviève Boivin-Roussy, Hélène Florent – Scénario et Réalisation: Chloé Robichaud – Production: Fanny Laure Malo – Distribution: Films Séville

Ma note: 

Les notes :

★★★★★ Excellent
★★★★ Très bon
★★★ Bon
★★ Moyen
Mauvais

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