Une fois de plus, Bernard Émond illustre des conceptions de la vie radicalement opposées cristallisées autour d’un événement perturbateur. Après avoir illustré la foi, l’espérance et la charité, le cinéaste se concentre cette fois sur la vertu et la bonté dans un film certes très théorique, mais dont on peut sans mal percevoir les ramifications sociales.
Le monde brutal et capitaliste incarné par le père s’oppose donc ici à la rêverie poétique et à l’ascétisme mélancolique du fils, improbable prof qui refuse toute la fortune léguée par son père, sauf une vieille maison dans laquelle il attendra le retour de sa fille adolescente. Ce faisant il passera d’homme bon à homme vertueux et parviendra à se racheter d’avoir agi comme son père. Dans le rôle du fils froid et déterminé, ébranlé par l’apparition soudaine de sa fille non désirée, Patrick Drolet livre une interprétation nuancée, mais on peut regretter que son personnage monolithique manque de profondeur.
Face à lui, Gilles Renaud prête ses traits au père absent qui est devenu millionnaire en fleurant les bons coups et en investissant énormément. Si le personnage est plus commun, il est pourtant tout aussi complexe que celui du fils. Parce que dans cet homme d’affaires en vue, tout à fait acceptable aux yeux de notre société capitaliste, il y a des contradictions qui se confondent. Le riche entrepreneur met des gens à la porte et s’enrichie sur le dos des autres, il est aussi un bâtisseur important qui fournit un emploi à des centaines de personnes. Face à cette conception communément acceptée de la réussite sociale, l’autre conception de la vie, celle du fils, où les préceptes chrétiens de la vertu et de la bonté sont respectés à la lettre, nous apparaît alors totalement dénuée de sens.
Comme d’habitude, la réalisation de Bernard Émond est élégante, précise et ne s’embarrasse pas de fioritures. À l’image du personnage de Patrick Drolet, le dépouillement volontaire est de mise dans le cinéma de Bernard Émond. Mais le ton moralisateur de Tout ce que tu possèdes est plus appuyé qu’à l’habitude. Le film s’appuie sur une voix off et sur des dialogues très explicatifs. Il en résulte un sentiment d’oppression et de culpabilité (les c’est ma faute, c’est ma très grande faute entendus et vus à de plusieurs reprises lassent). La superbe photographie de la ville de Québec et de la campagne avoisinante et le minois de Willia Ferland-Tanguay viennent cependant alléger le film.
Tout ce que tu possèdes – Québec, 2012 – Durée: 1h31 – Classement: Général – Après avoir refusé un important héritage légué par son défunt père, un prof de lettres fait la rencontre de sa fille de 13 ans qu’il n’avait pas voulue. Il quitte tout et part se réfugier dans la maison de ses ancètres pour l’attendre – Avec: Patrick Drolet, Willia Ferland-Tanguay, Gilles Renaud, Isabelle Vincent – Production: Bernadette Payeur pour ACPAV – Scénario et Réalisation: Bernard Émond – Photographie: Sara Mishara – Direction artistique: Gaudeline Sauriol – Musique: Robert Marcel Lepage – Montage: Louise Côté – Distribution: Les Films Séville
Ma note: