[Critique] L’empire Bossé: un arrière mauvais goût de déjà-vu

Ne pouvant produire plus que quelques rires épars, le film ne s’élève pas du stade de la flatterie de spectateur en livrant les poncifs les plus éculés sur l’univers véreux de la politique et de la finance.

Le couple Valérie Blais et Guy A Lepage dans la comédie québécoise L'Empire Bossé

Le couple Valérie Blais et Guy A Lepage dans la comédie québécoise L’Empire Bossé

Flattant la fibre nationaliste et mordant à coup de canines dans les scandales politico-financiers québécois récents sur-médiatisés, L’empire Bossé parvient certes à arracher quelques rires nerveux, mais reste au niveau des revues satiriques télévisées que l’on voit chaque année, entre la bûche de Noël et la bouteille. Par ses gags prévisibles et ses punchs archi-connus, L’empire Bossé a un arrière mauvais goût de déjà-vu.

Pour son second long métrage de fiction après Dans une galaxie près de chez vous, Claude Desrosiers nous livre la saga de l’homme d’affaires Bernard Bossé, fils d’ouvrier élevé dans le quartier Villeray à Montréal. Malin en affaires, le jeune Bossé se retrouve à la tête d’une entreprise de livraison. Afin de parvenir à ses fins, il se marie à la fille d’un riche homme d’affaires à l’agonie. Le voilà entré dans le monde des financiers véreux et politicailleurs avides. Il ne tardera pas à apprendre les règles et les codes de ce milieu.

Portrait plus absurde qu’abouti, L’empire Bossé tente d’illustrer par l’humour les excès et exubérances permises par les pratiques néo-libérales de la société québécoise et canadienne. Les références à notre passé récent et à notre microcosme politique et financier (Bourassa, Trudeau, la construction, le scandale des commandites, et j’en passe) sont abondantes et se cristallisent autour du personnage de Bernard Bossé, ramassis de toutes les déviances imaginables. On y retrouve, pour faire plus vrai, des interventions au traitement documentaire de Lise Watier et du biographe de Robert Bourassa, Georges-Hébert Germain.

Les gags sont taillés à la hache, les personnages unidimensionnels et le scénario (des auteurs de Camping sauvage) est aux abonnés absents. On se contente de dialogues caustiques, qui, s’ils parviennent à arracher quelques sourires de ci de là, ne nous livrent aucune matière à réflexion et encore moins à analyse. On se référera donc pour avoir une idée un peu plus juste de l’idéologie néolibérale dans le monde. La force de conviction de L’empire Bossé n’atteint pas la cheville de l’indispensable documentaire de Richard Brouillette L’ENCERCLEMENT – La démocratie dans les rets du néolibéralisme, ni même d’un Arcand à son meilleur avec son célèbre Réjeanne Padovani ou encore d’un cynique et tristement lucide Cadavres exquis (Rosi, 1976).

Car le traitement sous forme de comédie annule de facto la (naïve) volonté des auteurs de présenter au public un état des lieux du Québec moderne. Le scénario ne fait qu’égratigner, sous forme de one-liners assassins, des personnes ou des faits divers d’ores-et-déjà bien connus de quiconque s’intéresse un tant soit peu à ce qui l’entoure. Un portrait tiré à boulets rouges duquel on ressort sans une once de connaissance supplémentaire. Tout a déjà été dit à de nombreuses reprises dans les manchettes de journaux populaires ou à la télé de Radio-Canada, dans les revues de l’équipe d’Infoman ou les très regardés, résumés et décortiqués, Bye-Bye annuels. Les gags style cheap shots de L’empire Bossé ont au final bien du mal à se démarquer du lot.

Sur le plan technique, on note la direction artistique qui alterne assez finement les couleurs à la mode au gré des époques traversées, une trouvaille bien seule, puisque la réalisation peu inventive de Desrosiers est bourrée de truquages et de tics très télévisuels assez peu convaincants. Là encore, on navigue dans le confortable univers du spectateur cible, celui de la télévision.

La pléthore de comédiens reconnus remplit son rôle sans faillir et parvient à se sortir de pas mal de faux pas. Ils évitent le ridicule pour la plupart, mais aucun d’entre eux ne parvient à se démarquer, en dehors peut-être du contre-emploi de Claude Legault, en simplet fidèle.

L’empire Bossé – Québec, 2011 – Retour sur la vie de Bernard Bossé, un magnat de la finance aussi rusé que véreux et qui parvient à se hisser en haut de l’échelle malgré ses origines modestes – Avec: Guy A. Lepage, Claude Legault, Valérie Blais – Scénario: Yves Lapierre, Luc Déry et André Ducharme – Réalisation: Claude Desrosiers – Production: Lyse Lafontaine ; François Tremblay ; Guy A. Lepage – Distribution: Alliance Vivafilm

Ma note: 

Les notes :

★★★★★ Excellent
★★★★ Très bon
★★★ Bon
★★ Moyen
Mauvais

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