[Critique] Autrui : la belle et la bête

Autrui de Micheline Lanctôt possède une histoire qui pouvait laisser espérer quelque chose de beau. Hélas, cet acte de foi désintéressé s’avère au final dénué d’empathie. On suit sans passion les déboires de deux spécimens qui manquent de profondeur, perdus dans une société déshumanisée dont on peine à saisir le sens.

Brigitte Pogonat et Robin Aubert dans Autrui (Micheline Lanctôt, 2014 - ©Metropole FIlms)

Brigitte Pogonat et Robin Aubert dans Autrui (Micheline Lanctôt, 2014 – ©Metropole FIlms)

Ce n’est pas parce qu’il est basé sur un fait divers survenu en France il y a quelques années qu’Autrui, nouveau film de Micheline Lanctôt est pour autant crédible ou même véridique. Bien au contraire. Le film ne se sort jamais d’un scénario métaphorique plus que maladroit. On a beau chercher des repères, se concentrer sur les faits et gestes des deux protagonistes, rien, absolument rien ne nous raccroche à l’histoire. On suit alors sans passion les vagues déboires de deux spécimens qui ne portent en eux aucune profondeur, perdus dans une société déshumanisée dont on peine à saisir le sens.

De plus, on reste bien souvent au stade du cliché. L’ostrogoth qui se saoule, qui pisse et qui pète et la gamine un peu perdue à qui la vie ne sourit pas du tout. La belle et la bête dans un océan d’indifférence et de solitude. Et c’est bien là le drame de ce film que de n’avoir pas su étoffer ses personnages pour les faire passer de concept à personnes tangibles, des êtres de chair et de passion, bref, des vivants. Mais de personnalité, ils sont dénués. Qu’est-ce qui rend cette jeune femme aussi recluse, presque autiste? Bien que plusieurs éléments de sa triste vie nous soient montrés – et pas de façon subtile non plus –, nul ne comprend vraiment.

Sous des atours de film-au-discours-social-important (qui a d’ailleurs beaucoup misé sur ça durant sa campagne pré-sortie), Autrui manque cruellement d’empathie envers ceux qu’il filme, au point de n’en faire que des caricatures. Ils sont salauds (le patron du centre téléphonique), ils sont désespérément seuls (Lucie), ils sont mourants (Éloi, les malades de l’hôpital) ou bien ils sont lâches (le père qui quitte le pays et sa fille au profit d’une carrière). Même l’élan de générosité de Lucie ne semble pas tenir sur un altruisme si fort que ça. À croire même qu’elle fait ça contre sa volonté. Ce qui rend cette jeune femme encore plus incompréhensible, que Brigitte Pogonat incarne pourtant avec une intéressante légèreté.

Si le film ne parvient jamais à saisir ses personnages, il ne fait pas mieux avec les interactions qui les animent. Le dialogue entre Éloi et Lucie est terriblement absent. Une « conversation » qui se résume à quelques répliques maintes fois entendues (les tirades d’Éloi le rebelle). Ils n’interagissent pas, ne partagent et n’échangent sur rien, ni malheur, ni espoir, ni ambition. Drôle de manière de dresser un portrait valable pour un film censé illustrer le rapport à l’autre. Autrui est hélas à oublier au plus vite.

Autrui Рdrame РQu̩bec, 2014, 1h39 Рune jeune femme seule et triste recueille chez elle un itin̩rant bourru РAvec: Brigitte Pogonat, Robin Aubert РSc̩nario: Micheline Lanct̫t, Hubert-Yves Rose РR̩alisation: Micheline Lanct̫t РDistribution: M̩tropole Distribution

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