[Critique] Mafia Inc. : hommage réussi

En dépit d’un dernier droit un peu précipité, « Mafia Inc. » se voit comme un hommage réussi à un genre emblématique, en plus de servir un rappel méritoire sur l’omniprésence de la corruption en sol québécois.

Sergio Castellito au centre, dans "Mafia Inc." de Daniel Grou (image fournie par Les Films Séville)
Sergio Castellitto au centre, dans « Mafia Inc. » de Daniel Grou (image fournie par Les Films Séville)

Après Luc Dionne (Omertà, en 2012), Podz livre avec son sixième long métrage une version toute québécoise du film de mafia. Disons d’emblée que cette adaptation libre de l’enquête journalistique d’André Noël et André Cédilot s’avère, de loin, bien plus probante. Doté d’un soufflé épique indéniable, tout en misant sur des développements intimistes moins exubérants, Mafia Inc. parvient à s’inscrire avec panache dans une filmographie très codifiée. Faisant preuve d’une ambition, d’une ampleur et d’une facture inusitées, le film de Podz se démarque sans peine de tout ce que le cinéma de genre québécois propose habituellement. Décors, effets visuels, costumes, direction de la photographie participent à la réussite formelle de l’ensemble.

De fait, le réalisateur des Sept jours du talion a su rendre justice à une iconographie largement explorée par le Septième art mondial en se mettant entièrement à son service. En plus de livrer quelques clins d’œil bien sentis à des oeuvres emblématiques, Podz reprend à son compte une bonne partie de l’univers qui leur est associé. À commencer par ses aspects les plus graphiques, tels que scènes sanguinolentes filmées dans les endroits les plus sordides, réunions de famille festives  et outrancières, complots ourdis dans de superbes bureaux calfeutrés, etc. Au centre tout ça, une myriade de personnages improbables, allant du chef de clan paternaliste, mais implacable au politicien corrompu, en passant par le fiston zélé, la mamma italienne tenace, les hommes d’affaires aux mains sales ou le sous-fifre bas de plafond. Tout ce petit monde se débat allègrement dans cet arsenal de conventions, adroitement croquées mais pas vraiment réinventées, tentant de tirer son épingle dans un jeu de dupe où personne ne sort gagnant.

Gilbert Sicotte et Sergio Castellito dans "Mafia Inc." de Daniel Grou (image fournie par Les Films Séville)
Gilbert Sicotte et Sergio Castellito dans « Mafia Inc. » de Daniel Grou (image fournie par Les Films Séville)

Dans ses thèmes, le scénario de Sylvain Guy suit également la mouvance. Outre le fait qu’il soit campé dans le milieu interlope montréalais, son récit à saveur locale accorde les thématiques du genre à celles que l’on a aussi l’habitude de voir dans le drame québécois plus conventionnel. L’absence du père, le poids de relations familiales complexes, la relève qui veut se faire une place au soleil, entre autres, se cristallisent dans le portrait de ce Québécois un peu trop entreprenant (extrapolation des velléités politiques de la Belle Province, désireuse de s’élever sur la scène internationale?) et de la fusion presque charnelle entre les Paternò et les Gamache. Même si elle paraît un brin appuyée, notamment dans l’illustration des affects des personnages (Castellitto dans l’exubérance, Sicotte dans le drame), la différence de classe sociale qui sépare les deux familles évite néanmoins la schématisation et le cliché. Chacun ayant ses torts, ses squelettes, et possédant ses propres temps forts, organisés autour d’un retour en arrière donnant quelques détails sur l’enfance du jeune Gamache et les raisons de son comportement actuel.

Marc-André Grondin et Mylène Mackay dans "Mafia Inc." de Daniel Grou (image fournie par Les Films Séville)
Marc-André Grondin et Mylène Mackay dans « Mafia Inc. » de Daniel Grou (image fournie par Les Films Séville)

Utilisé comme pivot, ce flashback un peu trop explicatif change le point de vue du récit en le faisant basculer dans un face à face haletant, suivi d’un rebondissement final somme toute plutôt précipité. Ainsi, l’imprévisible volte-face de la sœur aimante, en apparence effacée, s’avère trop sommairement dessinée et propose une saveur #metoo qui ne colle pas vraiment à ce qui précède. Une ou deux scènes facilitant la transition auraient été les bienvenues. Reste que, en dépit de ce dernier droit moins convaincant, Mafia Inc. rend un hommage digne à toute une série de films mythiques. En plus de servir de rappel sur l’omniprésence de la corruption en sol québécois, dans un dernier plan aussi méritoire que révélateur.

Mafia Inc. – Québec, 2019, 2h23 – à Montréal dans les années 90, un jeune Québécois adopté par le parrain d’un clan sicilien, monte, sans l’aval de ses chefs, une opération délicate visant à importer une importante cargaison de drogue – Avec: Sergio Castellitto, Marc-André Grondin, Mylène Mackay – Scénario: Sylvain Guy – Réalisation: Daniel Grou (Podz) – Production: Antonello Cozzolino, André Rouleau, Valérie D’Auteuil – Distribution: Les Films Séville

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