Non seulement Le météore est une œuvre qui nous rappelle que le cinéma est un art, mais il est aussi une preuve rare de liberté créatrice, dans un medium de plus en plus stéréotypé. Cet OVNI qui porte son nom à merveille, est en effet épuré des stigmates habituels défigurant le cinéma et fait ainsi figure de cadeau des dieux livré aux cinéphiles en mal de surprise.
L’histoire est celle d’un prisonnier qui en a pris pour les quatorze prochaines années qui se livre en voix off à une méditation intérieure sur le sens et la portée de son acte (un délit de fuite mortel). Quatre autres » personnages « , reliés de près ou de loin au criminel, livrent également leurs émotions et leurs sentiments. C’est donc par la voix des protagonistes que nous découvrons les morceaux épars du récit. Nous devenons de fait partie prenante dans l’histoire, chargé de reconstituer les interactions et les liens en construisant notre propre scénario.
Et c’est bien là le tour de force du film, qui est parvenu à raconter un puzzle intime parfaitement humain et sensible, par l’entremise de voix off de personnages coupés du monde extérieur, évoluant dans leur propre univers et n’interagissant entre eux que par le biais de la méditation personnelle. Cependant, malgré une structure narrative complexe, tout en mosaïque visuelle et sonore, Delisle ne rend pas pour autant son film rébarbatif ou abscons. Bien au contraire. Laissant le travail principal de construction de l’histoire au spectateur, il nous livre ici un film d’une étonnante limpidité dans lequel les échos et les métaphores deviennent des symboles de l’incommunicabilité d’êtres marqués par le destin.
Le film bénéficie en outre d’une photographie superbe, servant à illustrer de textes littéraires à la fois d’une grande beauté et d’une touchante simplicité. L’équilibre des images et des voix devient alors un ensemble cohérent et équilibré, l’un ne prenant jamais le pas sur l’autre. Par sa mise en relation complexe de personnages invisibles, par sa profondeur et son humanité et enfin par son audace formelle, Le météore est bel et bien la plus impressionnante proposition de fiction québécoise de ces dernières années.
Le météore – Québec, 2012, 1h25 – Après un délit de fuite mortel, un homme est condamné à la prison. Plusieurs personnages se livrent à une méditation intime sur leur relation avec le prisonnier – Avec: Dany Boudreault, Jacqueline Courtemanche, Noémie Godin-Vigneau, François Delisle, Laurent Lucas, Andrée Lachapelle – Scénario et Réalisation: François Delisle – Production: Films 53/12 – Distribution: FunFilm
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