[Critique] Respire: les origines de la xénophobie

Quoique parfois appuyé et répétitif, le film ose aborder de front un sujet très peu évoqué dans le cinéma québécois.

Amedamine Ouerghi (c.), Mohammed Marouazi (g.) et Houda Rihani (d.) dans une scène du film Respire d'Onur Karaman
Amedamine Ouerghi (c.), Mohammed Marouazi (g.) et Houda Rihani (d.) dans une scène du film Respire d’Onur Karaman (K-Films Amérique)

Avec Respire, son quatrième long métrage de fiction, Onur Karaman signe sans aucun doute son film le plus maîtrisé. Se concentrant sur les problèmes identitaires et sociaux que vivent les néo-Québécois, le réalisateur né en Turquie évolue en terrain connu. Cette fois, il va plus loin que la simple notion d’intégration qu’il avait déjà abordée dans son premier essai (La ferme des humains) pour se pencher sur les dérives dramatiques que peut avoir une xénophobie que l’on pourrait qualifier de proximité. Chômage, exclusion, absence de reconnaissance, illettrisme…, le destin des protagonistes est marqué de nombreuses désillusions et de regrets, jusqu’à ce moment fatidique où tout chavire sans que l’on s’en rende vraiment compte.

Le récit en reste souvent au stade des généralités, le trait n’est pas toujours subtil, mais Karaman parvient à éviter de tomber dans le pamphlet moralisateur. N’avançant aucune réponse à un problème qui nous dépasse tous, il renvoie ses belligérants dos à dos, en les traitant sur un pied d’égalité, ne faisant d’eux ni des victimes ni des monstres, sans pour autant les exonérer de leurs actes répréhensibles. L’approche cinématographique s’avère très réaliste, presque crue. Elle repose en grande partie sur un crescendo anxiogène qui prend aux tripes, et ce, même si le dénouement se devine bien en amont.

Au chapitre esthétique, soulignons des images raffinées ainsi qu’une gestion plutôt efficace des divers huis clos enfermant les protagonistes dans des cercles infernaux dont on ne peut se sortir. Aussi modeste soit-elle, la réussite de Respire est à porter au compte des prestations des deux comédiens principaux et d’une distribution d’ensemble mettant de l’avant des visages peu connus, très crédibles. Amedamine Ouerghi (aperçu dans Jeune Juliette), se révèle plein d’aplomb dans la peau d’un jeune à la mèche courte pas si méchant que ça. Et face à lui, Frédéric Lemay (déjà très inquiétant dans Le rang du lion) défend avec brio un chic type, incapable de résister à l’endoctrinement de son cousin.

En somme, et en dépit de ses maladresses, Respire ose aborder de front un sujet très peu évoqué dans le cinéma québécois. Ne serait-ce que pour cela, il mérite d’être vu.

Respire – Québec, 2022, 1h30 – l’affrontement fatal de deux jeunes issus d’un quartier populaire. L’un est un ado d’origine marocaine, l’autre est un jeune adulte québécois « pur souche » – Avec: Amedamine Ouerghi, Frédéric Lemay, Mohammed Marouazi, Houda Rihani – Scénario: et Réalisation: Onur Karaman – Production: Patrick Bilodeau et Onur Karaman – Distribution: K-Films Amérique

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