Je t’aime – Film de Pierre Duceppe

… ou l’histoire tragique de passions amoureuses mouvementées dans le Québec rural pris dans les rigueurs hivernales.

Jeanne Moreau dans le film "Je t'aime" de Pierre Duceppe
Jeanne Moreau dans le film « Je t’aime » de Pierre Duceppe

Tourné au printemps 1973 près de Mont-Laurier, le long métrage Je t’aime restera dans l’histoire du cinéma québécois grâce à la présence au générique de la comédienne de renommée mondiale Jeanne Moreau. Entourée de Jean Duceppe et de quelques autres noms connus du showbizz québécois d’alors, l’actrice campe le rôle d’une Française émigrée au Québec qui voit subitement débarquer dans sa vie coup sur coup sa fille de 18 ans qu’elle n’a pas connue et l’amant de cette dernière. Passion et règlements de comptes déchirent le trio.

En dépit de sa vedette, d’un budget qualifié de conséquent pour l’époque et de son récit mélodramatique à visée populaire, ce premier long métrage de fiction réalisé pour le cinéma par Pierre Duceppe – frère de Jean Duceppe – fut un cuisant échec à sa sortie en salle, en janvier 1974. Vertement critiqué pour ses « maladresses » et son aspect carte postale, Je t’aime a disparu assez vite de l’affiche. Le film est aujourd’hui totalement invisible.

J’ai été touchée par la sensibilité de Pierre Duceppe. J’ai trouvé ici, en outre, une volonté de création extraordinaire. La nouvelle vague, elle est ici. Et, j’aime beaucoup travailler avec un réalisateur qui fait son premier film. (Jeanne Moreau)

Pierre Duceppe dirige Jeanne Moreau sur le tournage de "Je t'aime" (source: Cinéma/Québec)
Pierre Duceppe dirige Jeanne Moreau sur le tournage de « Je t’aime » (source: Cinéma/Québec)

Mot du réalisateur

Ce que je voulais faire, et je n’en ai pas eu la possibilité, c’est une espèce de parallèle entre ces désirs intérieurs d’agressivité, ces désirs de sexualité et la neige. Parce que ces désirs sont un peu étouffés; ils vivent dans les personnages, mais ne s’expriment pas. Un peu comme la nature durant l’hiver, sous la neige, reste prisonnière. Elle ne s’exprime pas, mais au printemps elle déborde d’une façon pas mal surprenante. Je voulais faire un film où tu aurais senti cette dureté, la dureté de l’hiver de la neige. Mais je n’ai pas eu de neige. A tel point qu’on a dû faire venir 30 et 40 camions de neige pour être capable de tourner certaines scènes.

Faute de neige, j »ai donc pris le parti d’essayer de pénétrer davantage mes personnages; alors que la nature que j’avais presque considérée comme un personnage, je l’ai abandonnée. La nature prend peu d’importance dans le film; alors que dans le scénario, je voulais qu’elle en prenne. Mais moi, ça je le sais. Le spectateur, lui, ne le sait pas.

Mot du réalisateur extrait d’une entrevue accordée à Jean-Pierre Tadros parue dans Cinéma/Québec, décembre 1973, janvier 1974, p. 14

La citation de Jeanne Moreau ci-dessus est extraite d’un article de Louise Tasse paru dans le Soleil du Saguenay-Lac-Saint-Jean du 8 mars 1973.

Critiques d’époque

Compte tenu des moyens tant humains que financiers dont disposait le réalisateur, on est en droit de se sentir frustré à la sortie de “Je t’aime”. C’est qu’il est difficile de faire un bon film avec un mauvais scénario et avec des comédiens, même excellents, qu’on ne parvient pas à diriger. On a l’impression que Jeanne Moreau dans son personnage sans éclat écrase littéralement les autres personnages qui l’entourent. Jean Duceppe, en particulier, méconnaissable dans son rôle qu’on dirait sorti tout droit d’un passage raté d’“Un homme et son péché”, s’en tire fort mal. Le seul à peu près qui échappe au désastre, c’est Lionel Villeneuve, parfaitement à l’aise dans le peau d’un garçon d’écurie. (Luc Perreault, La Presse, 19 janvier 1974, p. 13)


… cette image bucolique de la vie à la campagne manque de véracité. Pierre Duceppe parait avoir trop charrié sur ce que nos professeurs de littérature appelaient jadis le trait pittoresque. La camera se balade dans un beau décor de maison québécoise, surprend des Québécois typiques en train de regarder la « partie de hockey » à la télévision, enregistre les péripéties de la vie à l’étable, folâtre autour des animaux et caresse les flancs des pentes neigeuses. Tellement, que cette image de l’éternel Québec enneigé (quand, mais quand, fera-t-on un film au Québec où il n’y a pas de neige ni d’incendie!) finit plus par ennuyer que par émerveiller. (Claude Daigneault, Le Soleil, 19 janvier 1974, p.44)


À l’origine de « Je t’aime » il y avait bien – on le sent – une histoire simple, presque banale, mais de cette banalité qui peut plaire et qui avec peut-être beaucoup de talent, aurait même pu devenir attachante. Car, s’il n’y a rien de bien original dans l’histoire d’un trio, fût-il composé de la mère, de la fille et du gendre, ce drame aurait pu acquérir une certaine dimension. A partir d’un tel trio il y avait quelques variantes possibles. Pierre Duceppe y est allé de la sienne. Soit. Mais le film qu’il en tire va rester horriblement squelettique; on ne découvre avec « Je t’aime » que l’ossature d’un film, d’une histoire. De toute évidence Pierre Duceppe en est resté à la surface de l’histoire; il n’a pas su l’étoffer. Et pour un film de ce type, c’est fatal. (Jean-Pierre Tadros, Cinéma/Québec, décembre 1973, janvier 1974, p. 13)

Résumé

Élisa Boussac, une riche Française, a quitté pays et mari après la naissance de sa fille Martine, il y a 18 ans de cela. Elle s'est installée, seule, au fin fond du Québec, dans un petit village en bordure de forêt. Là, elle dirige une ferme avec son contremaître Marcellin, qui l'aime d'un amour inavouable. Envoûtante pour les hommes, donc jalousée par les femmes, "la Française" mène une vie de labeur et de combat, contre elle-même et les rigueurs hivernales. Arrive sa fille, engrossée par un Québécois, qui a fui la France elle aussi pour éviter le scandale. Élisa et Martine sont bientôt rejointes par Jérôme, père biologique de l'enfant. D'origine québécoise, il habite en France depuis quatre ans, et travaille pour les entreprises Boussac. Son arrivée déchaîne des passions que l'on croyait éteintes à jamais.

©Charles-Henri Ramond

Distribution

Jeanne Moreau (Elisa Boussac), Jean Duceppe (Arthur Tremblay), Roselyne Hoffman (Martine Boussac), Jean-René Ouellet (Jerôme Demers), Lionel Villeneuve (Marcellin), Willy Lamothe (l'encanteur), Yvan Ducharme, Patrick Peuvion, Rose Rey-Duzil, Marc Legault, Marie-France Beaulieu, Jean-Pierre Cartier, Madeleine Langlois, Jacques Bilodeau

Fiche technique

Genre: mélodrame - Origine: Québec, 1974 - Durée: 1h30 - Images: 35mm, noir et blanc - Langue V.O.: Français - Visa: Général - Sortie en salles: 18 janvier 1974 sur 16 écrans au Québec - Tournage: du 12 mars au 28 avril 1973, à La Minerve dans les Laurentides - Budget approximatif: NC

Réalisation: Pierre Duceppe - Scénario: Pierre Duceppe, Alex Pelletier, Jean Salvy - Production: Claude Héroux - Producteur exécutif: Pierre David - Directeur de production: Nardo Castillo - Société de production: Cinévidéo, Télé-Capitale Ltée, les Productions Mutuelles Ltée, les Cinémas Unis, avec la participation de la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne (SDICC) - Distribution: Les Films Mutuels

Équipe technique - Costumes: Nicoletta - Montage images: Yves Langlois, Mélanie Gelman - Maquillages: Mireille Recton – Musique: Frank Dervieux - Photographie: René Verzier - Son: Patrice Rousseau

Infos DVD/VOD

D'après nos recherches, Je t'aime n'a été édité ni en format VHS ni en DVD au Québec.

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Né en décembre 2008, Films du Québec est un site d'information indépendant, entièrement dédié au cinéma québécois de fiction. Films du Québec contient les fiches détaillées des films québécois, des actualités, des critiques et des bandes annonces et bien plus.
Création et administration : Charles-Henri Ramond, membre de l'Association québécoise des critiques de cinéma.

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