[Critique] Catimini: réquisitoire forcé

À l’instar de 10 1/2, le film Catimini de Nathalie Saint-Pierre dresse un portrait peu flatteur des maisons d’accueil et des centres de réadaptation placés sous la juridiction de la DPJ.

Frédérique Paré dans Catimini de Nathalie Saint-Pierre (2012, Axia Films)
Frédérique Paré dans Catimini de Nathalie Saint-Pierre (2012, Axia Films)

Deuxième long métrage de Nathalie Saint-Pierre, Catimini présente le drame vécu par quatre filles âgées de 6 à 18 ans, retirées de leurs familles respectives par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) pour être placées dans un foyer d’accueil ou dans des centres adaptés. Contrepoint féminin au non moins dramatique 10 1/2 de Daniel Grou, le récit est constitué d’autant de segments imbriqués dans une structure chorale bien maîtrisée. Sous nos yeux embrumés, les protagonistes subissent malgré elles une lente, mais presque inéluctable, déchéance. Elles finiront esseulées dans un appartement glacial, sans domicile fixe, sous l’emprise des drogues, ou, pour ce qui est de la plus jeune, socialement mésadaptée car incapable de vivre en groupe.

Sombre, vériste au point d’en être didactique et violent, au point d’en être racoleur, Catimini est un film glaçant qui ne laissera pas indifférent. Dénué de toute dose d’espoir, le récit se voit avant tout comme une illustration des conditions de vie dramatiques dans lesquelles ces enfants censés être protégées se débattent. Ce n’est pas tant un brulot contre l’institution québécoise – déjà largement critiquée sur la place publique – qu’une évocation du triste sort réservé à certaines femmes, sujettes à l’emprise masculine. On retrouvera tout à tour, le viol, la pédophilie (présumée ou avérée), la violence conjugale, placés sur le parcours de ces jeunes êtres fragiles et sans repères.

Malgré sa gravité et la forte charge émotionnelle qui en découle, la mise en scène démontre une assurance évidente, ponctuée par quelques élans de poésie. Cela tient en partie sur le travail réalisé à la caméra par Nathalie Moliavko-Visotzky. Plaçant ses objectifs à hauteur de fillette, la DOP de Les fantômes de 3 Madeleine et de Ma voisine danse le ska (premier long de Saint-Pierre) sait se faire discrète dans les moments les moins fictionnels du récit. À ce titre, le premier segment est remarquable de justesse. Proche du documentaire, cette section montre la petite Cathy, 6 ans (Émilie Bierre, très touchante), placée dans une « grande maison rouge » où l’apparente douceur de vivre s’efface au profit d’un milieu dur et froid, mené à la baguette par Réjeanne, maîtresse de maison sans plus d’empathie qu’il n’en faut (Isabelle Vincent, implacable). On retrouvera l’adorable blondinette au dénouement, dans une scène mémorable la montrant sur les épaules de son père adoptif, flottant dans la lumière. Seul moment réellement lumineux du film, cette séquence est une prémisse trompeuse à ce qui va suivre.

Car Catimini n’atterrit pas en douceur. La longue séquence finale montre trois des quatre jeunes filles invitées à un party destiné à célébrer le 100e enfant accueilli par Réjeanne. Un rebondissement surgit, des peines de harcèlement sont lancées par Mégane à l’encontre du très effacé Reynald, mari de Réjeanne. Peinant à trouver sa justification, cet effet choc, pour déstabilisant qu’il soit, apparait somme toute assez peu nécessaire. La sobriété et la distanciation qui était de mise jusqu’alors s’en trouve affectée, au point de rendre le discours un peu forcé, presque rentre-dedans.

Malgré cela, Catimini est une évocation généralement prenante d’une enfance brisée par un système administratif tentaculaire, composé d’intervenants armés de bonnes intentions, mais qui semblent complètement démunis face à la complexité de la tâche qui leur incombe.

Note: écrite à l'origine en janvier 2013, cette critique a été corrigée et bonifiée le 19 mars 2024, à la suite d'un deuxième visionnement.

Catimini – Québec, 2012, 1h51 – Portait de quatre jeunes filles placées sous la garde de la DPJ et dont les destins semblent inéluctablement voués à l’échec – Avec: Isabelle Vincent, Roger La Rue, Émilie Bierre, Joyce-Tamara Hall, Rosine Chouinard-Chauveau, Frédérique Paré – Production, Scénario et Réalisation: Nathalie Saint-Pierre – Distribution: Axia

Ma note: 

Les notes :

★★★★★ Excellent
★★★★ Très bon
★★★ Bon
★★ Moyen
Mauvais

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