[Critique] Pays : une marque originale

Après le classicisme formel de son premier film, Chloé Robichaud imprègne à sa fable contemporaine une marque originale appréciable.

Image prise durant le tournage du film Pays - De g. à d. : Macha Grenon, Chloé Robichaud, Emily VanCamp, Serge Houde (Films Séville)

Pays : Macha Grenon, Chloé Robichaud (réal.), Emily VanCamp, Serge Houde (Films Séville)

Dans Pays, Chloé Robichaud se lance à nouveau sur la trace de la psyché féminine en transposant sur une petite île imaginaire trois portraits de politiciennes rassemblées un peu par hasard autour d’un épineux dossier lié à la gestion des ressources naturelles du coin. Bien que l’univers spatio-temporel composé ici soit purement fictif, l’auteure de Sarah préfère la course s’appuie sur divers enjeux connus de la société québécoise, à commencer par les rêves l’indépendance et d’autonomie économique. Elle évoque également des préoccupations individuelles (la difficulté d’être femme, l’idéalisme de la jeunesse, la domination masculine) et d’autres embrassant toute la collectivité (le développement durable).

Pour autant, même plongés dans des thèmes qui nous interpellent forcément en tant que citoyen, le fait d’avoir déplacé l’intrigue dans un microcosme type a évité aux personnages de ne devenir que des caricatures. Et même si certains seconds rôles semblent moins aboutis, voilà une première satisfaction pour ce film qui a su se distancier de ses protagonistes pour ne pas s’embarquer dans le moralisme. Vie privée, vie publique, la réalisatrice ne cesse ses allers-retours.  Ici, la frontière n’est jamais imperméable. « Les deux travaillent à des solutions » de répondre Danielle (Macha Grenon) à une présentatrice télé, comme pour mieux affirmer l’aspect fusionnel de sa dualité.

Robichaud ne tente pas non plus de faire un film à thèse à partir de ces exemples de femmes différentes par leurs origines, âge, situation familiale et sociale. Elle prend des largesses avec son sujet, ose différents genres – avec une réussite inégale, certes, surtout sa finale trop déconnectée – mais transmet une indéniable volonté de surprendre. Elle emploie l’humour, s’essaye à la satire (Rémy Girard et Serge Houde notamment), effectue de nombreuses ruptures de ton, et retombe sur ses pattes en ramenant le propos du collectif sur ses trois individualités, montrées séparément ou lors de brèves scènes passées en commun. Le tout possède un charme certain, que vient souligner l’utilisation de vieilles chansons françaises placées à des moments clés du récit.

Après le classicisme formel de son premier long métrage, il est appréciable que cette fable moderne cherche à imposer une marque originale. Et même si sa proximité avec d’autres comédies politiques comme La grande séduction et Guibord s’en va-t-en guerre est notable, au moins dans l’esprit, Pays n’en reste pas moins une seconde réalisation forte pour une cinéaste en qui l’on croit beaucoup.

Pays – Québec, 2016, 1h38 – Sur une petite île imaginaire trois portraits de femmes engagées en politique, rassemblées un peu par hasard autour d’un épineux dossier lié à la gestion des ressources naturelles du coin – Avec: Macha Grenon, Emily VanCamp, Nathalie Doummar – Scénario et Réalisation: Chloé Robichaud – Production: Fanny-Laure Malo, Pierre Even, Marie-Claude Poulin, Barbara Doran – Distribution: Les Films Séville

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