[Critique] Uvanga : famille entre deux eaux

Uvanga est un film sobre et sincère dans lequel émergent de profonds questionnements sur l’appartenance et l’identité, malgré l’espoir du rapprochement créé par l’esprit de famille.

Lukasi Forrest (g.) et Travis Kunnuk (d.) dans Uvanga

Lukasi Forrest (g.) et Travis Kunnuk (d.) dans Uvanga de Marie-Hélène Cousineau et Madeline Ivalu (©Arnait Video)

Après Maïna et 3 Histoires d’Indiens, voici le troisième film québécois de l’année à nous faire entrer dans les communautés autochtones des régions éloignées. Dans Uvanga, Anna, une montréalaise et Thomas, son fils adolescent profitent d’un voyage dans le Grand Nord pour faire connaissance avec les inuits de la Baie de Baffin. Au contact de cette terre étrange et du déracinement loin de leurs bases montréalaises, ils se retrouvent submergés par des conditions de vie difficiles, tant sur le plan physique (soleil permanent, rudesse de l’environnement), que psychologique (désœuvrement, alcoolisme). Leur volonté d’en savoir plus sur le sort du père décédé sera l’occasion de faire ressortir des secrets bien enfouis.

Uvanga propose une vision sans fard des changements drastiques vécus depuis plusieurs années par les locaux, se retrouvant ainsi confrontés à une « modernité » qui les éloigne de plus en plus de leurs traditions. En un sens, le film propose pour une large part une approche quasi documentaire dans son regard sur la communauté inuite, tout comme Robert Morin le fait avec ses « indiens ». Cette approche est aussi renforcée par l’utilisation de comédiens pour la plupart non professionnels et par un scénario imaginé et coécrit avec l’aide de plusieurs résidents locaux.

Voilà donc une histoire où la rencontre avec l’autre (une famille certes éloignée, mais une famille tout de même), le partage des traditions et de transfert des connaissances tiennent une place importante. Là où Uvanga diverge du film de Morin, c’est dans un traitement plus sobre – mais aussi plus terre à terre – de ses éléments fictionnels. Ici, les personnages, font face à l’écroulement de leurs certitudes au fur et à mesure que les mystères reviennent au grand jour. Certes les « coming-of-age » respectifs de la mère et du fils sont ressentis et se traduisent différemment, mais se retrouvent de la même manière confrontés à la déroute d’un difficile équilibre des racines et des origines. Tandis qu’ils parviennent graduellement à adopter la culture des membres de leur propre clan, et malgré les espoirs de rapprochement créés par l’esprit de famille, émergent des questionnements sur l’appartenance et l’identité.

Faisant la part belle à la simplicité et la sincérité de son sujet, cette histoire d’apprivoisement filmée sans esbroufe (c’est sans doute ce qui apporte la sensation de manque de rythme), possède néanmoins un indéniable pouvoir de séduction, notamment dans sa capacité à transposer une réalité bien concrète mais peu connue, celle du trouble identitaire vécu par les familles métissées. Moins lumineux et moins poétique que ne l’était Before Tomorrow, précédente production du collectif Arnaït Video, Uvanga est néanmoins une plongée touchante au cœur du tiraillement de communautés arctiques vivant en permanence entre deux eaux.

Uvanga Рdrame РQu̩bec, 2013, 1h27 Рune Montr̩alaise et son fils adolescent se rendent dans le Haut Arctique afin de rencontrer pour la premi̬re fois la famille inuit du p̬re d̩c̩d̩. La joie de ce retour aux sources est assombrie par des souvenirs douloureux РAvec: Marianne Farley, Lukasi Forrest et Travis Kunnuk РSc̩nario et r̩alisation: Marie-H̩l̬ne Cousineau, Madeline Piujuq Ivalu РProduction: St̩phane Rituit, Marie-H̩l̬ne Cousineau РDistribution: M̩tropole

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