[Critique] Arsenault et fils : promenons-nous dans le bois

À l’instar de Robin Aubert avec Les affamés, Rafaël Ouellet signe – sans perdre trop de sa personnalité – un divertissement adulte de qualité qui ose s’aventurer dans des chemins délaissés par la majorité de la production québécoise.

Arsenault et fils - Guillaume Cyr et Pierre-Paul Alain / crédit Fabrice Gaétan
Arsenault et fils РGuillaume Cyr et Pierre-Paul Alain / cr̩dit Fabrice Ga̩tan

Après Maxime Giroux et son récent Norbourg, Rafaël Ouellet se lance dans le cinéma de genre résolument tourné vers le grand public. Le résultat est un suspense diablement efficace qui séduit d’emblée par son histoire simple et directe, mais non dénuée de subtilités, ses personnages recelant tous une part d’ombre et une réalisation recherchée, possédant quelques beaux instants oniriques.

Ce qui me plait avant tout, c’est qu’Arsenault et fils ne soit pas un énième polar filmé anonymement au Québec pour satisfaire tous les marchés où il sera vendu, comme avaient pu l’être par le passé moult productions anglophones. De fait, du scénario se dégage une identité québécoise affirmée, parvenant à se construire une mythologie originale et vivante, en partie héritée de thèmes développés auparavant par son auteur : la famille (surtout la fratrie) et le territoire. La combinaison des deux donne un « country noir » – transposition du Film Noir dans un drame campagnard – mettant en scène une famille omnipotente, vivant avec ses propres lois, qui occupe son espace naturel comme les trappeurs de jadis pouvaient le faire.

Placé à la croisée des chemins, l’aîné (Guillaume Cyr, dans sa meilleure prestation) ne sait trop s’il doit continuer de suivre les règles sans broncher. Le retour au bercail de l’indomptable cadet qui a brisé ses chaînes depuis longtemps déjà (Pierre-Paul Alain, révélation de l’année) ajoute au poids d’une parenté qu’il a de plus en plus de mal à endosser – on sent bien la mainmise du père (Luc Picard, très solide) – comme s’il était aliéné à un clan qu’il a de la misère à quitter. Certes, « on ne choisit pas sa famille » comme le dit l’affiche, mais on peut décider de s’en écarter. Ouellet utilise avec une certaine finesse et une belle maîtrise des conventions ce thème récurrent dans les films d’un genre cinématographique né dans les années cinquante qui se répand comme traînée de poudre depuis une quinzaine d’années.

Satisfaisant sur le fond, Arsenault et fils est habilement mis en forme dans ce qui peut se voir à la fois comme le pilote d’une série lourde ou, à l’inverse, comme la cure d’amaigrissement d’un 6×52 minutes, ramené à 105 minutes de moments marquants. De l’action mur à mur, des effets visuels, des cascades nombreuses, du feu, des « guns », des flics, un montage nerveux… on aimerait pouvoir souffler un peu, on souhaiterait aussi que quelques pistes soient un peu moins directes, on désirerait enfin que certains protagonistes soient un peu plus étoffés (ceux de Julien Poulin, Karine Vanasse et Micheline Lanctôt notamment), mais force est de constater que l’on ne s’ennuie pas une seconde. C’est à peine si l’on déplore quelques invraisemblances, surtout situées dans un dénouement grandiloquent que l’on ne peut évidemment pas révéler.

En somme, à l’instar de Robin Aubert avec Les affamés (issu de la même maison de production), Rafaël Ouellet propose un divertissement adulte de qualité qui ose s’aventurer dans des chemins délaissés par la majorité des cinéastes québécois. Et ce, sans perdre trop de se personnalité. C’est déjà pas mal.

Arsenault et fils – Québec, 2022, 1h45 – À la frontière du Québec et du Maine, une famille de braconnier voit son paisible commerce remis en question par l’arrivée d’une journaliste de radio un peu trop curieuse – Avec: Guillaume Cyr, Pierre-Paul Alain, Karine Vanasse – Scénario et Réalisation: Rafaël Ouellet – Production: La maison de prod – Distribution: Sphère Films

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★★ Moyen
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