[Critique] Elephant Song : crime et châtiment

Malgré la performance de ses comédiens renommés, Elephant Song propose une intrigue évoluant sur différents plans narratifs parallèles mal taillés pour ses personnages. Le film de Binamé a en outre du mal à se défaire d’un style théâtral empesé en dépit de sa réalisation soignée.

Image de Bruce Greenwod et Xavier Dolan dans Elephant Song (photo: Sébastien Raymond)

Bruce Greenwod et Xavier Dolan dans Elephant Song (photo: Sébastien Raymond)

1966. Un enquêteur interroge les acteurs d’un drame récent qui a eu lieu dans une institution pour personnes atteintes de maladie mentale. Les réponses aux questions sont fournies par le docteur Green (Bruce Greenwood) ou l’infirmière de garde (Catherine Keener). Plans serrés, voix posées et mémoires encore vives qui font resurgir les événements. Après avoir passé quelques heures avec Michael, un patient névrotique et manipulateur (Xavier Dolan), le docteur Lawrence (Colm Feore) manque subitement à l’appel. Le lendemain, le docteur Green vient interroger le patient sur cette mystérieuse disparition. L’affrontement aura une issue fatale.

Tiré d’une pièce de Nicolas Billon qu’il a adaptée lui-même, Elephant Song essaye par tous les moyens de se défaire du style propre au théâtre filmé en faisant déborder l’action du cadre strict du huis clos original. Gros plans, mouvements de caméra, photographie en CinemaScope, optimisation des espaces (la ballade aux toilettes, l’exploration des salles de l’hôpital), plusieurs retours en arrière, tout ça donne bien une sensation de cinéma, mais l’ensemble demeure très statique, confiné dans un univers reclus.

Le film est articulé entre le présent (l’enquête factuelle), le passé (la rencontre de Green et du patient) et des flashbacks explicatifs (deux moments clé de l’enfance de Michael éclaircissent le mystère entourant les agissements du patient). Cependant, ces multiples strates narratives cassent le rythme et finissent par surcharger l’intrigue au point de noyer les motivations de Michael – y compris son geste fatal -, dans diverses histoires parallèles somme toute trop déconnectées. Elles sont pour la plupart redondantes d’ailleurs, en dehors de nous fournir quelques indications sur l’issue tragique à venir, indications que nous aurions aimé deviner sans être tenus par la main. Il en résulte que la tension entre le docteur et son patient, pourtant point central du film, ne parvient jamais vraiment à s’installer, faisant de ce bras de fer psychologique un exercice assez vain.

Mais le problème principal d’Elephant Song tient dans un scénario inutilement complexe et trop peu crédible pour arriver à convaincre. Plusieurs de ses composantes défient hardiment les lois de la logique (le dossier médical qu’on accepte de ne pas lire pour satisfaire le caprice du patient, les infirmières qui écoutent aux portes et que dire de la très faible justification de la disparition du docteur Lawrence ou du petit mot laissé à la hâte pour expliquer son départ).

Comme tout bon théâtre filmé, la force du film repose en grande partie sur les comédiens. Au devant de la scène, Xavier Dolan en horripilera plus d’un dans ce rôle de jeune arrogant névrotique qui a lui aussi tué sa mère ! Greenwood parvient à donner corps à son personnage de docteur torturé, mais les rôles secondaires de Keener et de Carrie-Anne Moss ne parviennent pas à sortir de l’ombre et se dispersent. Elephant Song, marquant le retour au cinéma pour Charles Binamé après plus de 6 ans d’absence, est avant tout une performance d’excellents comédiens plongés dans une intrigue mal taillée pour ses personnages. Un exercice de style à moitié convaincant.

Elephant Song – drame psychologique – Québec, 2014, 1h41 – un patient névrotique est interrogé par un docteur suite à la brusque disparition d’un collègue – Avec: Bruce Grrenwood, Xavier Dolan, Catherine Keener – Réalisation: Charles Binamé – Production: Richard Goudreau, Lenny Jo Goudreau – Distribution: Films Séville

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