[CRITIQUE] Fabuleuses: pétards mouillés

Portrait attentif et empathique de femmes que tout oppose, Fabuleuses aurait gagné à exploiter d’avantage le côté subversif du personnage d’Élizabeth, le seul à pouvoir dynamiter le trio.

Mounia Zahzam (g.), Noémie O’Farrell (c.), et Juliette Gosselin (d.): trois amies en quête de reconnaissance à l’ère de l’amitié 2.0 - Fabuleuses de Mélanie Charbonneau
Mounia Zahzam (g.), Noémie O’Farrell (c.), et Juliette Gosselin (d.): trois femmes en quête de reconnaissance à l’ère de l’amitié 2.0 – Fabuleuses de Mélanie Charbonneau

C’est l’histoire de personnages en quête de sens et de réussite. Laurie, wannabe rédacteur-influenceur dans un magazine à la mode, Clara, star d’Instagram et de YouTube. L’une va progresser dans un milieu qu’elle ne connaît pas – et pour lequel elle se dit plutôt indifférente, voire réfractaire –, la seconde tente de surnager dans un monde virtuel où l’apparence et la popularité sont des lois essentielles. Un troisième protagoniste s’ajoute en la personne d’Élizabeth, jeune artiste conscientisée à la condition féminine. Prise dans les affres de la vingtaine, elle est assez nonchalante malgré ses convictions, vaguement intéressée par la vie qu’elle mène, et, dans un état en suspension, cherche encore l’épanouissement et l’amour. Malgré tout, elle est la plus stable des trois, la plus intègre, et sans doute aussi la plus attachante.

L’incertitude amoureuse, l’attrait de la célébrité et le désir de s’accomplir professionnellement dans quelque chose qui motive, voilà les contours psychologiques imaginés par Mélanie Charbonneau et Geneviève Pettersen pour dessiner leurs personnages. Des atours plutôt réalistes, tout comme l’est l’illustration des conceptions très différentes qui les animent. La volonté de se désolidariser des traditionnels canons de beauté – un sujet très en vogue ces temps-ci – jouxte une vision plus légère pour ne pas dire futile de la société. Dans Fabuleuses, ces deux mondes s’affrontent à coup d’autocollants « pub sexiste de marde » que les plus radicales apposent sur les affiches retouchées pour produits de maquillage qui placardent les murs.

Tenant à nous faire oublier son aspect un peu manichéen, le récit s’amuse à entrecroiser les trajectoires, suite à un improbable concours de circonstances. Sous les yeux médusés de sa copine, Laurie devient la meilleure amie (pardon la « best friend ») de Clara, mettant de côté ses principes, comme par enchantement. C’est un peu forcé, mais soit, on achète. Par la suite, les choses se gâtent un peu. En fait, il a plusieurs éléments du scénario qui posent problème. Le principal, c’est que l’on ne parvient jamais vraiment à saisir la tonalité du film. Entre chronique contemporaine vériste et comédie satirique déjantée, on a du mal à savoir de quel côté l’on se trouve. Cette incertitude permanente entraîne son lot de clichés et de manque de crédibilité, à tout le moins lors de ses passages démonstratifs, chargés de dépeindre le milieu des médias et de la pub. Un choix de casting étonnant confirme notre sentiment : pourquoi avoir fait jouer (faux) le personnage anglophone de Rachelle par une comédienne francophone?

En outre, la confrontation de ces univers opposés donne lieu à des développements dramatiques insuffisamment porteurs, qui peinent à maintenir l’intérêt. La volonté des auteures de ne pas porter de jugement de valeur est louable, elle a cependant un revers de taille. Il manque en effet un petit je-ne-sais-quoi au récit pour l’amener à basculer dans quelque chose de plus mordant, de plus fort, de plus drôle aussi. Sans pour autant tomber dans la provocation, la morale ou le sarcasme. Il faut avouer qu’Élizabeth, seul personnage capable de dynamiter les barrières, est sous-exploité. Sa présence ne provoque pas l’étincelle attendue tant ses interactions avec Laurie et Clara sont limitées. À l’exception de la scène de la piscine, dans laquelle pointe la prémisse d’un débat , hélas très vite évacué, sur la question de l’image corporelle. Comme si tout était dit, cet épisode marque la rupture des deux camps qui ne se côtoieront plus vraiment par la suite. Jusqu’à un dénouement délicat et sincère qui nous a paru beaucoup plus juste sur le plan émotionnel. Au final, après que tous les faux-semblants ont été expurgés, l’entraide et l’amitié, c’est tout ce qui nous reste. C’est rassembleur, peut-être un peu modeste comme constat, mais c’est quand même très juste.

Fabuleuses – Québec, 2019, 1h49 – Pour leur premier long métrage de fiction, Mélanie Charbonneau et Geneviève Pettersen dressent le portrait de trois jeunes femmes qui cherchent à se définir à l’heure des réseaux sociaux. – Avec: Noémie O’Farrell, Juliette Gosselin, Mounia Zahzam – Réalisation: Mélanie Charbonneau – Production: GO Films – Distribution: Téléfiction Distribution

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