Comment l’expression artistique peut-elle redonner espoir à une jeunesse en plein doutes ? C’est en gros ce que tente d’aborder Love Projet, dernière réalisation de Carole Laure, dont le dernier film remonte à plus de six ans (La capture, 2007). Porté par ce sujet ambitieux, le film – pourtant placé en haute estime par son auteure – frôle le ridicule en de nombreuses occasions et ne répond pas à son postulat de départ.
Mon premier est Alex, un danseur qui s’occupe d’un père infâme, il est amoureux de Louise, ma seconde, une jeune femme solitaire qui tente de rescaper une jeune prostituée de 13 ans, tandis que Julie ma troisième, essaye de survivre à une profonde crise existentielle causée par « ses fesses de mère monoparentale ». Mon tout est un groupe de jeunes trentenaires rongés par l’incertitude tandis qu’ils s’adonnent aux répétitions d’un spectacle de danse à 37 dollars le billet…
Font également partie du film : les danseurs garçons et filles qui testent les limites de leur sexualité, la chorégraphe à moustache, le couple western qui se signe avant le repas ou l’inconnu qui enterre de petites valises sur le Mont-Royal… On se croirait dans une vue de Gilles Carle (Fantastica) ou d’André Forcier (La comtesse de Bâton-Rouge ou Une histoire inventée). Mais n’est pas Carle ou Forcier qui veut.
Malgré une volonté affichée de donner, grâce à la danse, un terreau propice au rapprochement de ces âmes meurtries, et en dépit d’une certaine habileté dans le filmage des corps en mouvement, le film passe à côté de tout ce qu’il souhaitait démontrer. Faute de direction d’acteurs, les personnages sans consistance n’aideront pas la cause. Ils ne sont ici que des réceptacles à tirades drolatiques ou philosophiques qui semblent plaquées, ou – au mieux – font preuve d’un manque de spontanéité flagrant. Plongés dans des tourments plus risibles que profonds, cette jeunesse de pacotille est laissée à elle-même dans un enchaînement d’épisodes vaguement esthétiques ou semi dramatiques, tous vides de signification.
Love Projet, production « passionnée » (c’est la publicité qui le dit), n’arrive pas non plus à dresser un portrait juste de la société québécoise actuelle. À force de vouloir faire vrai, tout finit par sonner faux. Que penser de Julie (Natacha Filiatrault), qu’on croirait tout droit sortie d un numéro de Vanity Fair des années soixante, que penser du couple western (Pascale Bussières et Roger La Rue), dont la dégaine loufoque n’a aucune relation avec le reste de l’intrigue, ou de signification de la moustache de la chorégraphe (Céline Bonnier) ? … Quel réalisme ces personnages sont-ils supposés apporter ? Le spectateur trouvera ses propres réponses, ou (très certainement) pas. Pire, le scénario ne parvient pas à arrimer ses numéros musicaux à son arrière plan déprimant dans lequel on évoque maladroitement les problèmes de prostitution juvénile, de famille éclatée ou de jeunesse en manque d’affection.
Ne sachant utiliser adéquatement l’onirisme de certains personnages décalés et ne pouvant faire preuve d’un réalisme crédible, Love Projet se résume à n’être qu’un amalgame hallucinant de portraits bizarres évoluant dans un milieu de vie totalement désincarné. Au final, le film n’est autre qu’une production hybride et inégale, engoncée entre comédie musicale, roman de gare et drame social. Malheureusement, aucune composante n’est satisfaisante.
Love Projet – drame – Québec, 2014 – 1h43 – quelques jeunes trentenaires tentent de surmonter leurs drames personnels en participant à l’élaboration d’un spectacle musical – Avec: Magalie Lépine-Blondeau, Benoît McGinnis, Natacha Filiatrault – Scénario et réalisation: Carole Laure – Production: Lyse Lafontaine, François Tremblay – Distribution: Les Films Christal
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