Entrevue avec Marc Bisaillon à propos de son film La vérité

Après nous avoir offert une très belle illustration de La Lâcheté, Marc Bisaillon vient de compléter le tournage de La Vérité, un second opus issu d’une trilogie sur la « conscience coupable ».

La vérité de Marc Bisaillon (Pierre-Luc Lafontaine et Émile Mailhiot ©Camera Oscura)

La vérité de Marc Bisaillon (Pierre-Luc Lafontaine et Émile Mailhiot ©Camera Oscura)

Films du Québec : tout d’abord, parlez-nous du processus de création de La Vérité.

Marc Bisaillon : L’idée de La Vérité remonte à 1998. À cette époque, une personne (je n’ai jamais retrouvé qui) m’avait conté l’histoire vraie de 2 jeunes qu’elle connaissait et qui un soir d’hiver commettaient un homicide par accident. D’ailleurs à cette époque, mon scénario s’appelait l’accident. C’était un de mes premiers scénarios et je dois dire qu’il était très mauvais et bancal, il allait dans toutes les directions et mélangeait plusieurs sous intrigues inutiles. Travaillant aussi à cette époque à écrire Les Immortels pour Paul Thinel, puis peu après sur La Lâcheté, j’ai placé cette version de La Vérité dans le fond de mon classeur, où elle est toujours. Puis en 2006, une fois La lâcheté achevé, je me suis replongé à zéro dans l’écriture de La Vérité.

J’ai gardé l’anecdote centrale mais j’ai absolument tout changé. Je dois avoué que ce fut une écriture ardue qui m’a pris 3 ans. Il fallait que j’arrive à vivre la vie de mes deux protagonistes de l’intérieur. Normalement j’aime faire beaucoup de recherche, (archives, rencontres, etc) mais dans ce cas (ne retrouvant pas de qui venait l’histoire) j’ai été confronté à tout inventer. Bref, j’ai jeté plusieurs versions à la poubelle, me suis craché dans les mains et repris ce projet à zéro quelques-fois pendant ces 3 ans. Je pense humblement en être arrivé à quelque chose qui se tient, en tout cas, après le tournage, je peux dire que ça marche à l’écran.

FQ : Comment s’inscrit-il dans votre filmographie ? Est-ce une suite morale à La Lâcheté ?

MB : Il y a, mais ce n’était pas voulu au départ, un parallèle notable avec La lâcheté, dans la mesure où les protagonistes des deux films sont aux prises avec un dilemme moral qui les dépasse. Si dans « La lâcheté » la question était de savoir si on peut abdiquer toutes valeurs au nom de l’amour? Dans La Vérité on se demande si cette dernière est toujours bonne à dire. Question simple dont les réponses sont évidemment multiples, selon les situations.

FQ : De quoi parle le film et quel message tenez-vous à faire passer aux spectateurs ?

MB : Je ne tente de passer aucun message mais simplement de soulever des questions qui je l’espère amèneront les spectateurs à se les poser aussi. De toute façon je n’ai moi-même aucune réponse valable à donner par rapport aux sujets qui m’interpellent. Quand j’ai une réponse claire devant certains sujets, ces sujets m’intéressent peu.

FQ : Quand aura-t’on la chance de voir La Vérité?

MB : Le film sera prêt cet automne, mais nous ne voulons rien brusquer, question d’essayer de le faire voyager un peu avant la sortie québécoise. Cela dit, rien n’est acquis et seul l’avenir nous dira ce qui adviendra de La Vérité

FQ : Enfin,en tant que réalisateur indépendant, en quoi est-ce difficile de faire du cinéma « d’auteur » au Québec ?

MB : Il est difficile de faire du cinéma au Québec, point! Pour deux bonnes raisons, la première est réjouissante : il y a de plus en plus de cinéastes intelligents et talentueux au Québec, que ce soit des jeunes comme Raphaël Ouellet ou Xavier Dolan ou des plus aguerris comme Bernard Émond ou Rodrigue Jean (pour n’en nommer que quelques uns). La deuxième est moins drôle, il n’y a pas assez d’argent pour tous ces gens qui veulent et savent faire du cinéma. Car ils doivent partager les enveloppes avec des créateurs qui, sans aimer le cinéma (ils le disent souvent), se lancent dans cette industrie simplement car elle est devenue « Glamour ». L’on voit alors une multitude de vedettes de la télévision ou du théâtre, qui font le saut en déclarant haut et fort qu’ils n’aiment pas le cinéma mais qu’eux ont la bonne vision de ce qu’il faut faire.

Comprenons-nous bien, tout le monde a le droit d’avoir une idée de film, de bûcher pour la mener à bien et de se commettre et même de se tromper. Mais, en tant que cinéphile de longue date, je suis blessé et consterné d’entendre ces « créateurs » non seulement mépriser mais ne rien vouloir connaître de ce qui s’est fait avant eux. Brault, Perreau, Groulx, Jutra, Forcier, Anne-Claire Poirier, Léa Pool, Lefebvre, Carles, Arcand, Falardeau, et j’en oublie, sont tous de grands créateurs québécois dont il faut connaître les œuvres avant de s’imaginer pouvoir ajouter sa petite pierre a ce fabuleux édifice qu’est notre cinéma. Et le pire dans cette histoire (ou le mieux, c’est selon), ces que ces ignares du cinéma d’ici (mais aussi du cinéma international) ramassent trop souvent les gros montants pour en fin du compte réaliser des films qui ont peut d’impact et qui ne remplissent pas plus les salles de cinéma que certains films d’auteur.

La vérité – Québec, 2010 – Deux amis d’enfance se retrouvent aux prises avec le sentiment de culpabilité rattaché à un homicide qu’ils ont commis lors d’un soir de beuverie – Avec: Geneviève Rioux, Émile Mailhiot et Pierre-Luc Lafontaine – Scénario et réalisation: Marc Bisaillon – Distribution: Filmoption International

Ma note: 

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