Keeping Track est une série B angloquébécoise réalisée par le Montréalais Robin Spry (1939-2005), l’un des pionniers de l’industrie cinématographique canadienne-anglaise. Cinéaste engagé, Spry s’est notamment illustré par des documentaires sociaux et aux enjeux géopolitiques contemporains tels que Flowers on a One-Way Street (1968) et Action: The October Crisis of 1970 (1974). En 1969, il avait également signé Prologue, un premier long métrage de fiction présenté à la Mostra de Venise.

Non dénué d’humour et de romanesque, le récit de Keeping Track met en scène une magnate de la finance et un journaliste de télévision empêtrés malgré eux dans un chassé-croisé mortel, impliquant la CIA, le KGB et la Gendarmerie royale du Canada. Le scénario est cosigné par Spry et Jamie Brown, alors chroniqueur cinéma à la station de radio montréalaise CFCF.
Produit par Telescene, la société fondée par Spry, cette oeuvre mineure mais qui a encore tout son charme, s’inscrit dans la tradition du thriller d’espionnage nord-américain de la fin de la Guerre froide. L’intrigue arrime les codes du genre — action soutenue, poursuites haletantes, développements emberlificotés — à un discours antimilitariste discret et à une vision sombre des hautes sphères de la société caractéristiques de l’œuvre de son auteur, à l’instar de son plus convaincant One Man (1977).
Le film met en vedette deux stars canadiennes ayant fait carrière principalement aux États-Unis : Margot Kidder (Lois Lane dans Superman et également connue pour sa relation passée avec Pierre Elliott Trudeau) et Michael Sarrazin (Sometimes a Great Notion, They Shoot Horses, Don’t They?).

Ce qui nous sépare du futur n’a pas l’épaisseur d’un verre de contact. L’intelligence artificielle sera bientôt monnaie courante. Une micro-puce qui se reproduira et s’améliorera d’elle-même, et qui dépassera bientôt l’intelligence humaine.
Si Keeping Track se distingue par une mise en scène efficace, une direction photographique soignée et un montage adroit, ce sont moins ses qualités esthétiques que la dimension prospective de son propos qui retiennent aujourd’hui l’attention. Le film anticipe l’émergence d’un microprocesseur doté d’une intelligence artificielle autonome, présenté comme une entité quasi omnisciente, « capable de changer la civilisation » et de supplanter l’humain dans des prises de décision stratégiques. Cette puissance technologique est décrite comme susceptible, à elle seule, de provoquer un embrasement mondial et de précipiter l’humanité dans une troisième guerre mondiale. Désignée dans le film comme « la puce du Jugement dernier », cette figure s’inscrit pleinement dans l’imaginaire technoparanoïaque des années 1970-1980.
Peu commenté par les médias québécois lors de sa sortie en salle, le 20 mars 1987, Keeping Track a tout de même été vendu sur plusieurs territoires à l’étranger et a réussi à survivre à l’usure du temps. La version doublée au Québec, intitulée Double impasse est disponible gratuitement, légalement et dans une masterisation de belle qualité sur la chaîne YouTube d’Encore+. Dans la version française, Margot Kidder est doublée par Claudine Châtel, Michael Sarrazin par Mario Desmarais.

Réception critique
Ponctué d’incidents cocasses, Keeping Track, par son humour, a l’élégance de ne pas trop se prendre au sérieux. Mais – est-ce parce que les deux protagonistes m’ont semblé peu intéressants pour ne pas dire carrément antipathiques ou est-ce à cause de l’interprétation médiocre de Margot Kidder? – la qualité indispensable à un thriller qui est de captiver le spectateur m’a semblé étrangement absente de ce film. (Francine Laurendeau, Le Devoir, 21 mars 1987, p.C6)
Résumé
Cadre supérieure à la Banque du Bas-Canada, Mickey Tremaine choisit de voyager en train pour relier Montréal, siège social de l’institution qui l’emploie, à New York, où elle doit assister à une importante réunion. Au cours du voyage, elle rencontre Daniel Hawkins, journaliste d’une émission de télévision connu pour ses prises de position tranchées. Tous deux sont témoins d’un attentat suivi de l’assassinat d’un inconnu, qui laisse derrière lui une valise contenant cinq millions de dollars. Après s'être emparé du magot, Mickey et Daniel se retrouvent plongés dans un dangereux chassé-croisé impliquant le KGB, la CIA et la Gendarmerie royale du Canada, tous désireux de mettre la main sur une avancée scientifique majeure susceptible de compromettre l’avenir de l’humanité.
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Michael Sarrazin (Daniel Hawkins), Margot Kidder (Mickey Tremaine), Alan Scarfe (Royle Wishart), Ken Pogue (Captain McCullough), John Boylan (Double Agent Kleelyov), Vlasta Vrana (Chuck), Donald Pilon (Covington), James D. Morris (Shanks), Shawn Lawrence (Pierre de Beaufort), Pierre Zimmer (Jamisson), Terry Haig (Scientist), Bob Pot (Second Russian), Pier Paquette (Third Russian) (aka Pier Kohl), Léo Ilial (Minister of National Defence), Joy Boushel (Judy), Renée Girard (Mrs. Dougherty "Ma tante"), Patricia Phillips (Betty), Louis Negin (Conductor), Marc Denis (Police at the Border), Raymond Bélisle (Bert the Painter), Catherine Colvey (Reporter at Shopping Plaza)
Fiche technique
Genre: drame d'espionnage - Origine: Québec, ©1986 - Durée: 1h42 - Langue V.O.: Anglais - Visa: général - Images: 35mm, couleurs - Tournage: du 31 octobre au 18 décembre 1985, à Montréal et ses environs - Coût final: 2 825 000 $ - Première en salle: 19 mars 1987 (Cinéma Bonaventure 1, en version originale) - Date de sortie: 20 mars 1987 sur 2 écrans à Montréal - Première présentation télé: 22 novembre 1987
Réalisation: Robin Spry - Scénario et dialogues: Jamie Brown, d'après une idée originale de Robin Spry - Production: Jamie Brown, Robin Spry - Producteur exécutif: Neil Léger - Producteur délégué: Bob Presner - Société de production: Productions Téléscène (Québec) avec la participation Téléfilm Canada, Société générale du cinéma du Québec, en association avec The Canadian Broadcasting Corporation (CBC) - Distribution au Québec: Les Films René Malo
Équipe technique - Assistante réalisation: Lise Abastado - Coiffures: André Morneau - Costumes: Ginette Magny - Direction artistique: Michel Proulx - Maquillages: Tom Booth, Colleen Quinton - Montage images: Diann Ilnicki – Musique: Ben Low - Photographie: Ron Stannett - Prise de son: Don Cohen
Infos DVD/VOD
Keeping Track est disponible en format DVD et en streaming légal.



