Fidèle à son habitude, le co-auteur de Laurentie et Ceux qui font les révolutions à moitié... apporte une forte connotation politique à cet essai hybride, niché quelque part entre drame carcéral, film fantastique et suspense d’horreur. Abordant la survivance de la langue française au Québec, le film relate l’histoire d’un détenu québécois purgeant une peine d’emprisonnement à vie pour avoir proféré des opinions indépendantistes.
Présenté en première mondiale lors de la 42e édition des Rendez-vous Québec Cinéma, en mars 2024, Se fondre (Dissolution, en version sous-titrée anglais) sort en salle le 28 juin 2024.
Notes du réalisateur
Dans la foulée de Nulle trace, je voulais poursuivre avec un film où le mystère, la suggestion priment sur une narration limpide et où la situation politique du Québec est convoquée de manière frontale. De tous mes films, Se fondre est sans doute le plus hybride, le plus étrange. À travers un traitement cinématographique qui vise délibérément à faire s’entrechoquer les genres (on alterne ici entre cinéma politique, film d’essai, cinéma d’horreur-science-fiction et documentaire), Se fondre est aussi un récit à teneur philosophique où résonnent des questionnements existentiels qui relèvent ultimement de la transcendance. De l’hypothèse que face à une mort imminente, des gens voudraient pouvoir sauvegarder et faire se perpétrer leur psyché, leur « âme » pourrions-nous dire.
Fasciné par l’univers carcéral, je me suis toujours demandé ce que pouvait représenter la détention à perpétuité dans une cellule avec la certitude que l’on ne reverra plus le monde extérieur. Cette unité de lieu, cet espace circonscrit que constitue la prison est, à mon sens, un univers éminemment cinématographique. Cet espace fut d’ailleurs le théâtre de films politiques québécois importants comme 15 février 1839 de Falardeau ou encore Les ordres de Brault (qui, 50 ans plus tôt, a été tourné dans cette même prison de Sorel). Je voulais ici m’inspirer de la manière dont Bresson a filmé l’univers carcéral. Des films tels Un condamné à mort s’est échappé, Procès de Jeanne d’Arc ou encore L’argent, représentent assez bien l’esthétique narrative que je désirais mettre en oeuvre. Il y avait aussi, dès le départ, l’idée formelle d’un film en bonne partie sans dialogues. En effet, Se fondre est quasi muet (du moins dans sa première moitié). On y utilise un procédé du cinéma des premiers temps pour y suggérer les échanges ; ces intertitres qui permettaient jadis de restituer à l’écran des dialogues inaudibles.
Ce qui est dit, ici, importe au moins autant que la langue dans laquelle la chose est dite. Cette question (de la langue) est éminemment politique à mes yeux. Et c’est un peu le coeur de Se fondre. Si le contexte narratif du film veut que la plupart des dialogues soient en anglais, je ne voulais pourtant pas faire entendre cette langue dans un film québécois et ainsi contribuer, malgré moi, à sa primauté aux dépens du français (d’où l’usage de ces intertitres).
Si Se fondre réfléchit au sort de la langue française au Québec, il interroge d’abord le rapport complexe entre langue et nation. Au Québec, le « sentiment national » a toujours été intimement lié au français. Ailleurs dans le monde, par exemple en Écosse ou en Irlande, la population maintient un fort sentiment national même si la langue historique nationale est presque disparue. Est-ce que la « nation » peut exister au-delà de la langue ? Il y a fort à craindre qu’au Québec, dans une société aussi américanisée et « canadianisée » que la nôtre, ce soit là chose impossible. Je pense que tous en conviennent.
Notes du réalisateur ci-dessus extraites du dossier de presse de Se fondre fourni par K-Films Amérique
Résumé
Dans une prison bien gardée, six détenus politiques, tous dans la soixantaine, purgent leur peine d'emprisonnement à vie. Sans raison apparente, ils meurent les uns après les autres dans des conditions étranges. Invariablement, les geôliers les retrouvent sans vie, alors qu'ils sont assis sur les toilettes de leur petite cellule. Le plus jeune d'entre eux, matricule 973, survit et finit par obtenir sa libération conditionnelle après avoir renié ses convictions indépendantistes. À sa sortie, alors qu'il semble étranger au pays dans lequel il vit, il est arrêté par un énigmatique groupe de résistants. Lesquels semblent très intéressés par le ver solitaire géant qu'il abrite en lui.
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Jean-François Casabonne (matricule 973), Pierre Curzi (détenu), Fayolle Jean (détenu), Louise Laprade (détenue), Luc Morissette (détenu), Guy Thauvette (détenu), Pascale Bussières (cheffe des résistants), Sébastien Ricard (adjoint de la cheffe), Joseph Bellerose (politicien), Anna Maguire (infirmière), Jean Marchand (juge), David Strasbourg (milicien), Victor Andres Trelles Turgeon (milicien), Ian Cloutier (milicien), Jérémie Beaulieu (jeune pêcheur), Simon Beaulieu (père du jeune pêcheur), Josée Malenfant (mère du jeune pêcheur), Steve Berthelotte (gardien), Steve Verrier (gardien), Monique Gosselin (présposée à l'entretien), Mathieu Dufresne (cadre de la prison), Stéphane Jacques (médecin de la prison), Olivier Turcotte (infirmier de la prison).
Fiche technique
Genre: drame d'horreur - Origine: Québec, 2024 - Durée: 1h52 - Langue V.O.: Français - Visa: 13 ans et plus - Images: tournage en 35mm - Tournage: à la prison de Sorel - Budget approximatif: 500 000$ - Première: 23 février 2024, RVQC - Sortie en salle: 28 juin 2024 sur 5 écrans au Québec
Réalisation: Simon Lavoie - Scénario: Simon Lavoie - Production: Simon Lavoie - Producteur exécutif: Marcel Giroux - Directeur de production: Marc Bertrand - Société de production: 9469-7935 Québec inc avec la participation financière de Téléfilm Canada, SODEC, Conseil des arts du Canada, Conseil des arts et des lettres du Québec, crédits d'impôts fédéraux et provinciaux - Distribution: K-Films Amérique
Équipe technique - Coiffures et maquillages: Nancy Veilleux - Costumes: Ester Lavoie Fialova - Direction artistique: Patrick Binette - Effets spéciaux: Marc Hall - Montage images: Nicolas Roy, Simon Lavoie – Musique: Jean L'appeau - Photographie: Simran Dewan - Son: Kyel Loadenthal, Pablo Villegas, Patrice Leblanc, Gordon Neil Allen