[Critique] Happy Face : l’éloge de la différence

Avec Happy Face, Alexandre Franchi offre une œuvre courageuse qui fait beaucoup de bien dans le paysage uniforme de nos petits et grands écrans.

Debbie Lynch-White et Robin L’Houmeau dans Happy Face d'Alexandre Franchi

Debbie Lynch-White et Robin L’Houmeau dans Happy Face d’Alexandre Franchi

Une semaine après la sortie en salle de Les salopes ou le sucre naturel de la peau, c’est au tour d’Alexandre Franchi de bousculer nos préjugés avec Happy Face, une comédie pas si légère que ça dans laquelle les notions de beauté et de laideur se retrouvent agréablement chamboulées. Audacieux et atypique, le film propose une expérience déstabilisante pour le spectateur, peu habitué à voir la différence mise ainsi de l’avant, mais le ton reste juste et les portraits évitent la complaisance.

L’emploi de personnes réellement atteintes d’un lourd handicap physique peut toutefois dérouter pendant les premières minutes, illustrées de manière presque documentaire, où les membres du groupe cadrés en gros plan se livrent face à la caméra, un peu à l’image des réunions des AA. Au fur et à mesure que l’histoire de Stan prend forme et qu’il devient le révélateur d’un délicat processus d’acceptation de soi, on finit cependant par se faire à ces visages hors normes, jusqu’à en oublier leur apparence. Il faut dire que Franchi et sa coscénariste Joëlle Bourjolly ont fait de la revanche de leurs sujets une épopée vivante, dynamique et drôle, où l’optimisme et l’emporte largement sur le misérabilisme. Mine de rien, voilà une prise de position courageuse qui fait beaucoup de bien dans le paysage uniforme de nos petits et grands écrans.

Central au récit, Stan est incarné par le nouveau venu Robin L’Houmeau, qui étonne par sa ferveur. Dans des compositions moins dramatiques, les participants non professionnels s’avèrent touchants dans leur façon de livrer leurs émotions, tout en démontrant une farouche volonté de se battre pour arriver à exister tels quels, sans le jugement d’autrui. Mais, c’est surtout celle – forte et audacieuse – de Debbie Lynch-White qui nous interpelle. L’actrice de La Bolduc n’a pas hésité à montrer ses rondeurs sous toutes les coutures, notamment dans une scène très crue, hélas mal supportée par une intrigue romantique inintéressante et téléphonée.

Sobre et maîtrisée, l’esthétique d’Happy Face est bonifiée par les cadrages travaillés et les jolies textures de la nuit montréalaise photographiée par Claudine Sauvé. On regrettera cependant que le montage de certains retours en arrière ne soit pas toujours évident à suivre. Au final, en dépit de ses maladresses, Happy Face confirme l’impression favorable que nous avait laissé The Wild Hunt.  Espérons qu’Alexandre Franchi obtiendra un jour des moyens plus conséquents pour mener à bien des projets moins confidentiels.

Happy Face – Québec, 2018, 1h37 – Pour mieux comprendre et accepter l’état désespéré de sa mère atteinte d’un cancer incurable, un jeune homme se joint à un groupe de personnes défigurées engagées dans un processus de thérapie collective – Avec: Debbie Lynch-White, Robin L’Houmeau – Réalisation: Alexandre Franchi – Distribution: Maison 4:3

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