[Critique] La Bolduc: la turlute des années dures

Adroitement reproduits, le climat social et les difficiles conditions de vie au Québec dans les années trente apportent une touche de morosité à ce biopic de facture très classique, qui manque en outre de réels temps forts.

Debbie Lynch-White (La Bolduc) et Émile Proulx-Cloutier (Édouard Bolduc) dans La Bolduc de François Bouvier le couple pose en tenue chic devant une voiture de luxe)

Debbie Lynch-White (La Bolduc) et Émile Proulx-Cloutier (Édouard Bolduc) dans La Bolduc de François Bouvier (Image fournie par le distributeur – Crédit: laurentg)

Après un début tonitruant qui présente très rapidement les bases du récit (milieu socioéconomique, mariage, drame familial avec la perte de plusieurs nouveaux nés…), La Bolduc s’installe bien au chaud dans un rythme de croisière plutôt lent, enveloppé dans les atours d’une biographie chronologique formellement réussie, mais très traitée sans éclat. Il faut dire que dès le départ, l’ambiance n’est pas à la rigolade. Comme pour mieux faire oublier les conditions de vie difficiles de l’époque, les turlutes de La Bolduc sont légères, voire naïves. Le contraste avec les pauvres origines de leur auteure est saisissant. De même que son travail, montré sous l’angle d’un dur labeur, par l’effort déployé lors des répétitions, l’isolement dans un monde d’hommes, la fatigue des tournées et les problèmes administratifs. Autant d’éléments graves qui donnent au film une nette impression de morosité, renforcée par l’interprétation tout en retenue de Debbie Lynch White.

Sans être ennuyeux ni apathique, mais sans proposer autre chose que ce que l’on attend, le biopic de François Bouvier manque de moments forts. Et ce n’est pas dans la dizaine de numéros musicaux qu’il faut aller chercher du rythme. Ce manque d’ampleur épique est en partie dû à l’importance accordée aux aspects psychologiques des personnages. À ce chapitre sont abordés la place des femmes dans la société, les rapports mère-fille, le sentiment de déchéance du mari inutile à la vie du couple, etc. Les auteurs Frédéric Ouellet et Benjamin Alix offrent autant une vision historique du Québec Duplessiste, que le drame d’une artiste précurseure, que l’on sent en décalage permanent avec son statut. Les portraits sont minutieux, les interrelations sociales sont étoffées. Mais le tout manque un peu d’émotion.

Bien que situé dans un passé déjà lointain, La Bolduc possède néanmoins une touche d’actualité en faisant le lien entre la chanteuse et l’ascension progressive de la prise de parole féminine. Cependant, ce qui pourrait donner du souffle au récit est ramené sur un plan plus terre-à-terre en insistant sur le fait que la carrière de la Bolduc ne s’apparente à rien d’autre qu’une forme d’exploitation par un travail puisqu’il lui a enlevé ce qu’elle a de plus cher, ses enfants. Une sorte de résignation s’installe, jusque dans un dernier concert pathétique, mais filmé de manière assez froide.

On ne dira pas que les auteurs ont versé dans le sentimentalisme en conservant jusqu’à la toute fin une posture très sobre. Ils ont peuplé leur histoire de nombreux personnages secondaires dépeints sans fausse note, à l’exception d’Édouard (Émile Proulx-Cloutier) dont le désarroi nous a semblé un peu théâtral. Malgré un budget modeste pour ce genre de reconstitution historique, l’atmosphère années trente est parfaitement rendue grâce à la patine du temps appliquée aux  décors, accessoires et costumes. Un élément de crédibilité supplémentaire à ce film, dont l’intérêt pédagogique est non négligeable, mais qui reste néanmoins bien en deçà du Louis Cyr de Daniel Roby. – Note : 2,5 / 5

Mots clés

Les notes :

★★★★★ Excellent
★★★★ Très bon
★★★ Bon
★★ Moyen
Mauvais

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