[Critique] Ressac: trois femmes à la mer

Pour Ressac, sa première fiction, la documentariste Pascale Ferland a choisi d’illustrer la résistance de la cellule familiale en se basant sur des faits malheureusement bien connus des régions éloignées.

Clémence Dufresne-Délières est Chloé dans Ressac de Pascale Ferland (ici dans la scène du fumoir, la plus belle du film - K-Films Amérique - Les Films de l'autre)

Clémence Dufresne-Délières est Chloé dans Ressac de Pascale Ferland (ici dans la scène du fumoir, la plus belle du film – K-Films Amérique – Les Films de l’autre)

Le travail est rare en région, les hommes s’éloignent au gré des petits boulots trouvés ici ou là et laissent leurs proches livrés à eux-mêmes, dans un état d’attente permanente. Dans Ressac, nous plongeons dans le quotidien tourmenté de ces trois femmes de génération différente qui représentent autant de visages du combat contre la douleur. Quelque part entre résignation (Gemma la mère), révolte (Chloé la fille) ou compassion (Dorine la grand-mère), les personnages vivent une souffrance perpétuelle qui les enferme progressivement dans leur désespoir. Dans un univers aussi difficilement soutenable, peut-on continuer à vivre normalement ?

Voilà la question qui établit les bases de ce drame sombre et lent et à laquelle Ferland apporte une réponse sans appel. À monde anormal, relations anormales. Elle dresse donc des portraits graves, englués dans un mutisme profond qui les empêche d’avoir des relations stables avec leur entourage. L’amour ne se dit pas, les crises restent intérieures et la gestuelle des personnages est avant tout fonctionnelle. On ne se sert pas de ses mains pour étreindre mais pour écailler, déplacer des cageots ou fendre du bois. Entre eux, les personnages sont immobiles, à distance. Un univers froid et morose qui manque singulièrement de sensibilité et dans lequel il est difficile de s’identifier. Fort heureusement, Muriel Dutil apporte au personnage de Dorine une émouvante touche de délicatesse. Tout en silences et en résignation, Ressac, n’émeut que trop rarement.

Mais le principal problème du film tient dans un scénario trop dense où s’imbriquent des thématiques maintes fois abordées dans le cinéma québécois passé ou récent (de Tendresse ordinaire de Jacques Leduc au tout récent Chasse au Godard d’Abbittibbi d’Éric Morin en passant par Ti-Cul Tougas de Jean-Guy Noël).

C’est que le drame familial est à peine arrimé avec les conditions sociales liées à la vie en région, pourtant à l’origine de l’histoire. L’immensité des paysages n’évoque que rarement l’isolement, Gemma est licenciée non pas par manque de travail mais, semble-t-il, pour cause d’incompétence. Perdu dans de nombreuses thématiques, le scénario ne parvient guère à se concentrer sur son intrigue première et souffre en outre d’une construction chaotique. Ressac, malgré une prémisse intéressante et d’évidentes qualités de mise en scène, dresse un portrait d’êtres pris dans leur douleur sans entrevoir de possibilité de rémission. Jusqu’à une finale aux revirements successifs, judicieux, mais trop abrupts et de ce fait peu exploités.

Ressac – drame psychologique – Québec, 2013, 1h37 – Dans une région éloignée, trois femmes de générations différentes doivent affronter un deuil qui les marquera à jamais – Avec: Clémence Dufresne-Deslières, Nico Lagarde, Muriel Dutil, Martin Dubreuil – Scénario et réalisation: Pascale Ferland – Production: Les Films de l’autre – Distribution: K-Films Amérique

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