[Critique] Tu dors Nicole : banlieue blues

Tu dors Nicole conserve la finesse d’esprit propre au cinéma hautement original de Lafleur. Il offre ici un regard différent sur un coming of age, sujet souvent abordé dans le cinéma québécois récent. Les personnages possèdent un charme indéniable et l’humour noir donne à l’intrigue une légèreté salutaire. Après ce troisième opus d’une trilogie des banlieues ordinaires, on espère désormais voir Lafleur évoluer dans des terrains un peu moins connus.

Image de Julianne Côté somnole dans Tu dors Nicole (©Sara Mishara)

Julianne Côté somnole sur une table dans Tu dors Nicole (©Sara Mishara)

Ce qui étonne dans le cinéma de Stéphane Lafleur, et à fortiori dans Tu dors Nicole, c’est sa capacité rare de faire entrer immédiatement le spectateur dans un univers totalement imaginaire, mais tellement concret. Lafleur parvient à merveille à construire un univers original et unique dans lequel le spectateur est sans cesse en suspension dans de multiples sphères, oscillant entre rationnel et rêverie.

Chronique sur l’incommunicabilité et le mal-être dans la société québécoise, Tu dors Nicole, reprend des thèmes déjà évoqués par l’auteur dans ses deux films précédents que sont Continental un film sans fusil (2007) et En terrains connus (2011). Plusieurs éléments déjà vus auparavant indiqueront sans que l’on puisse s’y tromper une nette filiation entre les trois films. L’apparition inopinée de Martin le gamin à la voix d’homme nous renvoie inévitablement à l’homme du futur dans En terrains connus, tandis que l’utilisation d’objets hétéroclites et désuets (ici une imprimante à aiguilles et une machine manuelle pour lire les cartes de crédit) nous font penser à des vieilleries tout droit sorties de la boutique de Gilbert Sicotte dans Continental. Sans passer à côté de la ressemblance de Julianne Côté à Fanny Mallette, que l’on voit d’ailleurs dans un caméo en fin de film. Des références qui s’ajoutent à l’utilisation de la banlieue comme espace vital confiné au statut de lieu d’isolement, exempt de joie et de sentiments.

Ce lien de parenté évident est à la fois la grande force du film, mais il est aussi une source d’autoréférence et de redites. Toutefois, même en étant en terrain connu, Lafleur évite de tomber dans la facilité. Tu dors Nicole conserve la finesse d’esprit et de trait propre à son cinéma hautement original et offre un regard différent sur un sujet de type coming of age, dont plusieurs variantes documentaires ou de fiction ont déjà vu le jour dans le cinéma québécois récent. Les personnages possèdent un charme indéniable et l’humour noir (comme la magnifique photographie de Sara Mishara) donne à l’intrigue une légèreté salutaire. Passé l’impression de redondance avec les deux premiers films du cinéaste, force est de constater que Tu dors Nicole constitue une appréciable continuation d’une trilogie axée sur la tristesse de la banlieue, tout en finesse et décalages certes, mais dont il serait sans doute pertinent de renouveler les codes.

Tu dors Nicole – chronique – Québec, 2014, 1h33 – durant un été torride, deux jeunes femmes vivent en transition dans l’attente de nouveaux horizons – Avec: Julianne Côté, Catherine St-Laurent, Marc-André Grondin, Francis La Haye – Scénario et réalisation: Stéphane Lafleur – Production: Luc Déry, Kim McCraw – Distribution: Les Films Christal

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