[Critique] Tuktuq : grand dérangement

Un cinéaste en mission commandée par le gouvernement libéral. L’observation du peuple inuit. Une prise de conscience. Voilà trois temps forts qui marquent ces 95 minutes plongées dans l’immensité du Nunavik, au plus près d’une communauté qui a vu son mode de vie changer radicalement au cours des dernières décennies.

Image de caribous, extraite du film Tuktuq de Robin Aubert

Image de caribous, extraite du film Tuktuq

Pour souligner le désarroi dans lequel se retrouve notre caméraman en mission commandée, Robin Aubert joue sur deux tableaux. D’une part, le naturalisme de ses images documentaires qui permettent en peu de mots de saisir les conditions de vie des locaux, et de l’autre une fable politique grinçante caractérisée par les dialogues hors champ du ministre donneur d’ordres, lus par Robert Morin. De ce choc de valeurs irréconciliables émerge le regard satirique d’un cinéaste profondément attaché à la terre et à ses racines. Plus qu’une ode à la beauté des lieux, Tuktuq bouscule et incite au questionnement en se rangeant clairement du côté des délaissés.

Une prise de position aussi franche est rare dans le cinéma québécois. C’est à notre avis ce qui ressort de ce pamphlet poétique. Notre confort, notre sempiternelle hésitation à prendre parti sont remis en cause de manière frontale, presque brutale. Comme si le réalisateur nous demandait d’ouvrir les yeux et de dépasser les discours langue de bois des politiciens, les belles promesses des plans Nord et tant d’autres projets destinés avant tout à grossir les profits de quelques-uns au détriment de la collectivité. Le caméraman, cet homme des images du réel, embarque dans un cheminement personnel qui le force à voir au-delà du faux-semblant le véritable sens du message qu’il reçoit. Espérons que le film montre la voie.

Outre sa réussite formelle, germée dans un récit plus contemplatif que celui ajusté à la fureur indienne de À quelle heure le train pour nulle part, Tuktuq (qui veut dire caribou en Inuktitut) est tout en méditation, en reprise de contrôle progressif au contact d’un peuple ô combien fragile. L’humour véhiculé par la trame sonore, mais également le travail sur le son, offre toutefois à l’entreprise une légèreté aussi nécessaire que le propos est désolant. Bien en a pris au cinéaste qui évite ainsi de rendre son projet aride ou trop didactique. À nous maintenant de savoir le décoder.

Tuktuq – Québec, 2016, 1h35 – un caméraman communautaire est envoyé dans le Grand Nord pour prendre de jolies images des communautés… ses discussions avec le ministre lui apprennent une réalité toute différente – Avec: Robin Aubert – Scénario, Réalisation et Production: Robin Aubert – Distribution: K-Films Amérique

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