Le moins que l’on puisse dire c’est que le premier trimestre de 2009 a été pour le cinéma québécois un trimestre de folie. Polémiques à tout va, rythme des sorties effréné, déceptions commerciales et belles réussites artistiques, voilà ce que je retiens d’un hiver chargé en émotions et en sensations fortes…
Par Charles-Henri Ramond, 02 avril 2009
Résumé du premier trimestre de 2009
Nombreux, variés, mais très inégaux et marqués par diverses fortunes. Voilà comment je résume les films québécois du premier trimestre 2009. Artistiquement parlant, c’est encore une fois les films dits d’auteur qui triomphent avec des productions audacieuses et personnelles telles que Demain ; Derrière moi et Je me souviens. Du côté grand public, si les polémiques n’ont pas eu raison de Polytechnique et de Dédé, certaines grosses pointures en ont mangé toute une, confirmant ainsi la règle qui veut que budget n’est pas égal à succès… Serveuses demandées, Le Bonheur de Pierre, Cadavres et Grande Ourse – La clé des possibles peuvent en témoigner.
Alors que la pause santé du printemps est maintenant démarrée, espérons simplement que les films à venir en 2009 sauront retrouver les grâces d’un public décidément bien … C’est tout le mal que je leur souhaite.
Quantité record de « vues » québécoises
La première caractéristique de ce trimestre, c’est le nombre élevé de films qui ont pris l’affiche dans nos cinémas. Du 16 janvier au 27 mars, pas moins de 12 films(1) ont été proposés aux spectateurs. Un film québécois par semaine… du jamais vu, et environ le double de ce qui se faisait habituellement. Est-ce un hasard ou une tentative délibérée de l’industrie de rehausser la part de marché des films d’ici? Avec un tel roulement continu, on ne peut pas nier que l’offre proposée a été diversifiée, chacun pouvant y trouver des films à son goût… on verra plus bas si ce vaste choix a permis de hausser les résultats au box-office comparé à la piètre année 2008…
Des films et des polémiques
En plus de la quantité record de films montrés, le fait marquant de ce premier trimestre, ce sont les polémiques qui, à tort ou à raison, n’ont pas manqué de voir le jour. Décision controversée de Daniel Langlois sur l’Ex-centris et toute la confusion sur la réouverture potentielle du Cinéma Parallèle, polémique entourant les sujets choisis (Polytechnique ; Dédé), polémique sur l’influence des médias sur le spectateur (Le Bonheur de Pierre), polémique sur les prix Jutra… bref, beaucoup de chicanes de clocher qui n’ont pas aidé la cause du cinéma québécois. Toutefois, ces récriminations (pour ne pas dire « chiâlages ») sont à mon sens très révélatrices d’un certain désarroi dans lequel se trouve l’industrie québécoise du cinéma.
Que reste-t’il de nos films?
Ce qu’il reste de ce premier trimestre, malheureusement, c’est une production très inégale et pas toujours très satisfaisante. Voilà en quelques chiffres ce que je retiens.
5 |
Cinq comme cinq déceptions : Serveuses demandées, Transit, Cadavres, le Bonheur de Pierre et Grande OurseSi les films de ce trimestre ont été nombreux, ils n’ont pas tous été bons. Loin s’en faut. Pour moi, les cinq films ci-dessus avaient des lacunes importantes, qui se sont traduites par un manque cruel d’appui critique et public. Les résultats obtenus sont très bas. Trop en tout cas quand on regarde leur budget et les espoirs qui étaient placés en eux… À ce chapitre, le cas de Grande Ourse devrait être analysé en profondeur et devrait servir d’exemple. Les résultats de sa première fin de semaine s’avèrent catastrophiques, le film ne réussissant vraiment pas à décoller, alors qu’il est construit sur une base très solide de spectateurs potentiels. Souhaitons lui malgré tout un prompt rétablissement. |
4 | Quatre comme quatre millions de dollars. C’est à peu près ce qu’ont rapporté les 12 films présentés durant le trimestre(2).D’après mes calculs, la part de marché des films québécois se situerait aux alentours de 10-12 %, en incluant Babine et le Grand départ, sortis l’an dernier et qui ont continué leur exploitation en ce début d’année. C’est à peine au dessus des résultats de 2008. À mon avis, ces chiffres sont beaucoup trop bas par rapport à ce que la grande quantité de films présentés aurait pu laisser espérer. Tout repose donc sur les six derniers mois de l’année, six mois durant lesquels la quinzaine de long métrages qui prendront l’affiche auront la lourde tâche de « performer » très fort. Au moment où j’écris ces lignes, un seul film est programmé en avril (Suzie de Micheline Lanctôt) et aucun n’est prévu pour mai, ce qui est plus habituel. L’automne risque fort d’être très chargé. À suivre donc. |
3 | Trois comme trois beaux films(3): Derrière moi, Demain et Le Jour avant le lendemain.Encore cette année, c’est le cinéma dit d’auteur qui nous aura apporté le plus de satisfaction artistique et innovante. Trois très beaux films, durs, sobres et sincères, présentés de façon confidentielle dans une ou deux salles à Montréal… et qui auraient grandement mérité qu’on s’y attarde un peu plus. |
2 | Deux comme deux locomotives :Polytechnique et Dédé, à travers les brumesAyant réussi à allier qualité artistique, qualité technique et sujet fort, les deux seuls millionnaires de ce premier trimestre sont aussi deux très bons films. Le bouche à oreille à fait son travail, ce qui n’était pas si évident, à priori. |
1 | Un comme inclassable, un comme unique : Je me souviensMerci à André Forcier de nous avoir conté la plus belle histoire de 2009. Merci pour cet univers poétique inclassable, pour ces superbes allégories sur l’appartenance à un pays, à sa langue. À noter également que c’est le seul cas pour l’instant où la critique positive est corrélée par un succès public indéniable. |
- (1): Est exclu de ce total le film 3 Saisons que la Régie du Cinéma du Québec indique comme étant canadien.
- (2): Si un lecteur avait des chiffres plus précis, ils seraient grandement appréciés.
- (3): Je n’ai malheureusement pas pu voir Lost Song, mais à la lecture des critiques, il aurait au moins atterri ici.
Ayant réussi à allier qualité artistique, qualité technique et sujet fort, les deux seuls millionnaires de ce premier trimestre sont aussi deux très bons films. Le bouche à oreille à fait son travail, ce qui n’était pas si évident,