[CRITIQUE] L’amour: mon père ce zéro

Marc Bisaillon mise sur la sensibilité et le réalisme pour dessiner les contours de personnages en apparence ordinaires, mais dont la psychologie complexe les fait basculer tout à coup dans l’irrationnel.

Pierre-Luc Lafontaine et Fanny Mallette dans L'amour de Marc Bisaillon (dans un corridor d'hôpital, les deux comédiens se dévisagent)

Pierre-Luc Lafontaine et Fanny Mallette dans L’amour de Marc Bisaillon

Marc Bisaillon s’inspire à nouveau d’un fait divers, en l’occurrence celui d’un jeune canadien meurtrier de deux pédophiles dans l’état du Maine, pour continuer son étude de caractères portant sur la culpabilité. Et comme cela avait été le cas dans les deux premiers volets, La lâcheté et La vérité, le cinéaste mise tout sur le réalisme et la sensibilité. Une approche délicate qui lui permet de composer les portraits véristes d’une famille en apparence tranquille, mais qui va tout à coup basculer dans le chaos. On y retrouve un mari troublé par une fascination morbide pour les armes à feu (Paul Doucet, très sobre), remplacé par un bon gars (Claude Despins, un peu en retrait) par une mère qui n’a rien vu venir du drame qui se prépare (Fanny Mallette, très touchante, comme à l’habitude). Et au centre, un jeune homme introverti, qui a gardé pour lui les secrets qui le hantent depuis l’enfance (Pierre-Luc Lafontaine, juste et tout en maîtrise).

Ce terreau fertile, pas très nouveau, mais à la prémisse intéressante, aurait pu donner lieu à Baisaillon de travailler plus dans la perspective de relations toxiques cohabitant sous un même toit. En particulier celle entre le père et le fils, qui s’avère bel et bien le nœud de l’intrigue. Surtout au vu des révélations qui nous seront servies à la toute fin. Quelques retours en arrière – parfois brutaux – nous guident dans le passé des protagonistes, mais sans s’aventurer au-delà de l’illustration d’événements pouvant expliquer le présent. Le réalisateur a donc choisi de rester collé au plus proche de faits déjà connus, freinant l’approfondissement de la dimension intérieure de ses personnages. Dommage, car on aurait aimé mieux comprendre les motivations intimes du meurtrier, et en savoir un peu plus sur l’attitude et le rôle du père, dont les remords, à peine esquissés dans les dernières minutes, nous permettent d’entrevoir une pointe de culpabilité. Au final, L’amour est une œuvre juste et sans esbroufe, mais qui nous laisse un peu sur notre faim. On soulignera cependant une retenue de tous les instants, évitant ainsi de tomber dans le piège du pathos. Enfin, rendons grâce à la facture sobre et soignée de l’ensemble, tirant parti d’éléments techniques maîtrisés, à commencer par la très belle direction photo de Vincent Biron.

L’amour – Québec, 2018, 1h26 – Un jeune homme introverti quitte le foyer familial de Sept-Îles pour aller chez son père, un homme troublé qui vit seul dans le Maine – Avec: Pierre-Luc Lafontaine, Paul Doucet, Fanny Mallette – Scénario: et Réalisation: Marc Bisaillon – Production: Christine Falco – Distribution: Filmoption

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