L’habileté déployée par François Delisle pour restituer la notion de vide existentiel se démontre une nouvelle fois. Après le superbe Le météore, il nous revient avec Chorus, un drame sans effets superflus abordant la pesanteur de la vie d’un couple après un deuil jamais vraiment accompli. Malgré un sujet sombre et une esthétique marquée, Delisle parvient à livrer une histoire lourde de sens, tout en la gardant pure et limpide.
La mort se manifeste d’abord par les aveux d’un pédophile repentant qui, plusieurs années après le drame, avoue les faits. Puis par une lettre de la mère dans laquelle quelques mots suffisent pour faire éclater au grand jour le drame de sa solitude. Outre le décès de leur enfant, c’est aussi la cellule familiale qui a éclaté. Il est parti au Mexique pour tenter d’oublier sa part de responsabilité, elle est restée à Montréal, seule face à son désarroi. Elle lui dira plus tard d’ailleurs, lui reprochant de ne pas s’être occupé d’elle. Mais sous ce drame sombre, renforcé par un noir et blanc contrasté, par l’hiver québécois et par une trame sonore méditative composée de chants médiévaux, Delisle donne aussi plusieurs indices d’un possible renouveau. Le rapprochement du couple, même temporaire, aura permis de faire renaître une passion en la vie, si minime soit-elle. Une volonté d’ouvrir le drame vers un ailleurs plus rassurant qui se retrouve dans les scènes finales, portées par la jeunesse et rythmées par l’énergie d’un concert endiablé, propice à la libération.
Chorus s’appuie sur une direction d’acteurs et des comédiens en pleine possession de leur personnage. Fanny Mallette, éthérée, éblouit une fois de plus, tandis que Sébastien Ricard livre une performance plus dosée que lors de ses précédentes apparitions. Bien qu’il soit de facture nettement plus conventionnelle, le film possède plusieurs plans qui nous rappellent l’épure de Le Météore (les fleurs filmées dans l’église, entre autres). Une filiation que l’on retrouve aussi dans l’écho des voix off qui se parlent et se répondent, venant marquer la tentative du couple désuni de retrouver le dialogue. Mais malgré ses qualités esthétiques et la justesse de l’interprétation, le film de Delisle ne satisfait cependant qu’à moitié.
C’est qu’en raison d’une lenteur assumée et de dialogues réduits au minimum, Chorus n’évite pas les longueurs et souffre de plus d’un certain hermétisme, à l’image de ce que l’on ressentait dans 2 fois une femme, son avant-dernier film. De ce fait, le film peine à transmettre la douleur de ses personnages, qu’il nous montre en se tenant bien à l’écart, un peu trop distant de leur univers. Une contemplation qui nous éloigne au lieu de nous faire participer. Avec ce sixième long métrage, François Delisle nous livre donc une œuvre cérébrale ambitieuse qui, à défaut de nous prendre aux tripes, parvient à illustrer de belle manière le vide existentiel d’un couple meurtri, sans pour autant se renfermer dans un carcan artificiellement mélodramatique.
Chorus – drame psychologique – Québec, 2014, 1h36 – un couple s’est séparé après la tragique disparition de leur enfant. Plusieurs années plus tard, ils se retrouvent alors que les restes du bambin sont extirpés d’un boisé – Avec: Fanny Mallette, Sébastien Ricard, Geneviève Bujold, Pierre Curzi – Scénario et réalisation: François Delisle – Production: François Delisle, Maxime Bernard – Distribution: FunFilm
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