[CRITIQUE] La disparition des lucioles : fuck toute!

Entre récit d’apprentissage et chronique sociale, le troisième long métrage de Sébastien Pilote propose une histoire de jeunesse inassouvie parfois décapante, mais un cran en deçà de ses deux précédentes réalisations.

Karelle Tremblay dans le couloir de La disparition des lucioles (Source image: Les Films Séville)

Karelle Tremblay dans le couloir de La disparition des lucioles (Source image: Les Films Séville)

Avec ce troisième long métrage, Sébastien Pilote garde un contact rapproché avec les thèmes qu’il avait développés dans Le vendeur et Le démantèlement. Derrière des atours primesautiers, en tout cas plus légers que les précités, La disparition des lucioles lui permet de porter à nouveau un regard sur la vie en région, en illustrant plus particulièrement l’impact de la morosité ambiante sur une jeunesse éprise de liberté. Pilote montre les conditions économiques difficiles et la relocalisation des travailleurs, se moque des radio-poubelles et évoque l’avenir incertain de villages fragilisés par la crise. Loin du misérabilisme, son arrière-plan social n’en est pas moins assez sombre, mais évite le pathos, grâce entre autres à une bonne dose d’humour et aux cadrages expressifs du directeur photo Michel La Veaux, jouant adroitement sur la diversité des angles de caméra et sur des couleurs mordorées du plus bel effet.

La jeunesse en question, c’est Léo, une étudiante solitaire, tannée de tout, haïssant son beau-père animateur de droite et ignorant royalement sa mère, qui a osé donner à quelqu’un d’autre la place qu’occupait jadis le paternel adoré. Confrontée à la froideur du monde des adultes, Léo devra en plus faire face à de troublantes révélations. Central et déclencheur de tous les rebondissements, le personnage de Léo donne lieu à des répliques bien senties, très en phase avec un certain cynisme ambiant que Karelle Tremblay incarne avec aplomb, dans un registre qu’elle maîtrise à la perfection. Un humour franc que l’on découvre par rapport au Pilote que l’on connait, traduisant un désir de ratisser plus large, sans toutefois renier les idées qui lui sont chères.

Cependant, en dépit de son originalité et de l’intérêt porté à ses thématiques, La disparition des lucioles peine à développer un récit très (trop) dense, qui hésite à s’engager dans une voie précise. Entre « coming of age » et chronique sociale, on ne sait pas trop où aller. Les préoccupations individuelles et collectives cheminent côte à côte, sans qu’aucune ne prenne le « lead », à l’instar de la relation ambigüe que Léo entretient avec Steve, musicien de sous-sol sans ambition (impeccable Pierre-Luc Brillant). De ce fait, plusieurs enjeux dramatiques forts (l’aveu du père, le conflit avec le beau-père) sont évacués très vite dans une fuite en avant difficilement compréhensible. Enfin, certains personnages nous apparaissent trop peu exploités (les parents biologiques par exemple) pour générer l’empathie et l’émotion, ou tout simplement pour que l’on puisse adhérer à leur destin. Au final, ce troisième long métrage de Sébastien Pilote s’avère un cran en deçà de ses deux précédentes réalisations. On en retiendra cependant son histoire atypique de jeunesse inassouvie, ses belles images et un humour gentiment décapant.

La disparition des lucioles – Québec, 2018, 1h36 – une étudiante confrontée à la dureté du monde des adultes se lie d’amitié avec un guitariste sans ambition bien plus âgé qu’elle – Avec: Karelle Tremblay, Pierre-Luc Brillant, Luc Picard – Scénario: et Réalisation: Sébastien Pilote – Production: ACPAV – Distribution: Les Films Séville

Ma note: 

Les notes :

★★★★★ Excellent
★★★★ Très bon
★★★ Bon
★★ Moyen
Mauvais

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