Arrivé sur la fin de sa vie pourtant bien remplie, le sentiment d’impuissance imprègne les réflexions d’un homme de science qui se sait condamné par le cancer. Cette maladie du siècle qui ronge les corps, mais aussi celle, plus métaphorique, qui vide nos vies dites modernes de toute signification profonde. Sujet existentiel, questionnement éternel. Le journal d’un vieil homme reprend plusieurs des thèmes habituels chez Bernard Émond. Comme dans toute son œuvre, l’être humain, face au monde qui l’entoure, est en remise en cause permanente et cherche sa voie dans le grand concert des valeurs morales, des idéologies fabriquées et des choix prédéterminés.
Si Bernard Émond n’est pas pessimiste, comme il le disait dans les récentes colonnes d’un quotidien, on a pourtant l’impression que son dernier film témoigne d’une vision plutôt sombre de la société dans laquelle il vit. Les personnages sont aigris, nettement et ne verront pas de lumière au bout de leur tunnel. Le scientifique nourrit envers ses congénères (et sa famille, totalement indifférente à son état) un sentiment proche de la rancœur. On est loin d’une ode à la vieillesse radieuse et épanouie. Katia, sa fille (Marie Ève Pelletier), n’est pas tendre envers le milieu artistique loin s’en faut, et Michel Murray, le prof incarné par Patrick Drolet tire à boulet rouge sur le milieu universitaire.
Comme à l’habitude, Émond confronte le spectateur à des thématiques sombres avec retenue, mélancolie et sensibilité. Choisissant d’aborder son thème de façon très littéraire, il laisse véhiculer ses émotions par le biais des mots. Les siens et ceux d’Anton Tchekhov, qui avait aussi inspiré le film de Rafaël Ouellet Gurov et Anna. Et au détour de ces textes récités, surgit alors le principal défaut de Le journal d’un vieil homme (et il est majeur): ses mots. Nombreux, redondants, mornes. Plaquée sur des images qui ne parlent pas suffisamment, la très insistante voix off au ton monocorde donne au film une saveur très professorale. En outre, les personnages, sont trop peu dessinés pour la plupart, évoluent loin du sujet et ne servent pas le propos (Barbara), lorsqu’ils ne sont pas caricaturaux (Murray). Il en résulte une œuvre statique, filmée façon pièce de théâtre. Dommage, on cherche en vain dans ce regard désabusé toute trace de portrait lumineux, lucide et empreint d’amertume.
Le journal d’un vieil homme – Québec, 2015, 1h22 – Arrivé à la fin de sa vie, un professeur de sciences réputé fait le point sur sa vie et ses relations avec son entourage, et notamment sa fille Katia, sa complice de toujours – Avec: Paul Savoie, Marie Ève Pelletier, Marie-Thérèse Fortin, Patrick Drolet – Scénario: et Réalisation: Bernard Émond – Production: Bernadette Payeur – Distribution: Films Séville
Ma note:
Trois films reliés
Nombreux sont les longs métrages québécois à avoir abordé le thème de la vieillesse ou celui de la mort. Si vous souhaitez poursuivre votre exploration du sujet, nous vous suggérons : La brunante de Fernand Dansereau (avec Monique Mercure et Suzanne Clément), le magnifique Les dernières fiançailles de Jean Pierre Lefebvre, ou encore le documentaire À force de rêves de Serge Giguère qui vous montrera que oui, on peut vieillir heureux. Fernand Dansereau avait d’ailleurs repris ce même thème quelques années plus tard.