Dans Lac mystère, terrifiante histoire qui n’en est pas une, les auteurs (Diane Cailhier et Érik Canuel) jouent sans relâche avec les codes du genre et pastichent à merveille le film-de-peur-autour-du-lac. Rien n’est donc à prendre vraiment au sérieux dans cette histoire de plan d’eau brumeux et mystérieux, pour laquelle autant l’intrigue que les personnages ont été traités avec une nonchalance assumée. Si au début cette désinvolture a de quoi surprendre et peut sembler un peu éparpillée (« façon puzzle », bien entendu), la sauce prend forme alors que la fin approche et dévoile toutes ses saveurs dans une apothéose où le ridicule tue (une fois n’est pas coutume).
Si le film n’est au final qu’un divertissement de qualité moyenne, on ne peut que saluer les auteurs d’avoir osé ne pas se prendre trop au sérieux, mélangeant les situations aussi tordantes qu’improbables et utilisant des seconds rôles hauts en couleurs. Le tout trempe dans une joyeuse atmosphère de clins d’œil et de références au cinéma de Truffaut (les chiens Jules et Jim, il fallait oser) ou à celui de Hitchcock. Canuel pousse même le luxe de s’autopardier dans la scène où Maxim Gaudette repose négligemment le DVD de Cadavres en marmonnant « c’est mauvais ça ».
Côté personnages, on a droit au français enquiquinant (Lucas), au jeune loup en fuite (Gaudette), au flic hirsute (Gouin), à la danseuse au grand cœur (Leboeuf) ou aux malfrats tatoués, attachés à des valeurs pas rapport (Beaudet, Roy, Marcel). Dans cet imbroglio de faux suspense et de figures bigarrées, les éléments de mystère n’ont finalement qu’assez peu d’importance et servent avant tout à mettre en valeur une histoire d’amitié et de rédemption, somme toute assez ordinaire.
Cette rencontre d’êtres au passé douloureux, agencée en forme de vases communicants, recèle cependant les moments les plus tangibles du film et permet de donner de la profondeur à un récit qui reste en surface la plupart du temps. L’interprétation du trio principal est convaincante et témoigne d’une distribution maîtrisée adéquatement, allant du plus sombre au plus comique.
Ces variations de tonalités permettent de faire oublier les quelques longueurs qui émaillent le milieu d’un récit tout en rebondissements. Sans avoir la régularité de Bon Cop Bad Cop, ce retour de Canuel au cinéma francophone propose néanmoins une expérience moins pauvre que le précité Cadavres.
Lac mystère – Québec, 2013, 1h58 – Un jeune homme en fuite après avoir volé une grosse somme d’argent se réfugie au bord d’un lac perdu en forêt. Là, il fait la rencontre d’une jolie danseuse, d’un policier jaloux, d’une bande de truands de la place… et d’un voisin philosophe – Avec: Maxim Gaudette, Laurent Lucas, Laurence Leboeuf, Benoît Gouin – Scénario: Diane Cailhier – Réalisation: Érik Canuel – Production: Jacques Bonin – Distribution: Films Christal
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