Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’après deux drames franchement lugubres (La cicatrice et Antoine et Marie), Jimmy Larouche change radicalement de style dans Mon ami Dino, un troisième long métrage atypique, produit avec un enthousiasme inversement proportionnel à l’étroitesse du budget disponible. Il est donc question ici d’une histoire d’amitié. D’une relation de type père-fils qui dure depuis plus de dix ans entre l’almatois cinéaste et l’acteur d’origine italienne Dino Tavarone, découvert il y a vingt ans dans la télésérie Omertà.
L’originalité de la proposition repose essentiellement dans son traitement, s’écartant du documentaire pur et s’amusant à prendre au pied de la lettre le métier de son sujet. Tavarone est comédien (2 secondes de Manon Briand, Corbo de Mathieu Denis), faisons-le jouer à fond en créant l’illusion de sa mort. Par ce biais ludique, tentons par la même occasion d’en savoir plus sur ce personnage, qui n’a finalement pas eu la carrière foisonnante que sa première apparition pouvait laisser espérer.
Belle idée de départ donc, mais dont le mystère aurait peut-être mérité d’être un peu mieux ménagé en escamotant le générique d’ouverture et une entrée en matière volontairement explicative. Ainsi préparé, le spectateur comprend d’emblée qu’il assiste à une mise en scène aux accents véridiques, en quelque sorte à un documenteur. Certains passages sont troublants de réalisme (les visites chez le docteur par exemple), d’autres, amplifiés, sont moins crédibles (l’émotion des uns, les réactions des autres). Le vrai et le faux se mêlent alors dans un ensemble qui ne cesse d’osciller entre imaginaire et reportage-vérité.
De la vie de Tavarone, quelques moments forts ressortent, sans toutefois que l’on ait un portrait suffisamment approfondi pour saisir l’histoire atypique de celui qui revient en mémoire sous les traits du gentil méchant Scarfo. La prison, la maladie (et les larmes de crocodile qui vont avec), une certaine sagesse, et – puisque le film n’était pas écrit à l’avance, en dehors d’une trame de base assez souple – des confidences improvisées. Et en guise de dénouement, un revirement qui en remet une couche, ajoutant à l’ironie ambiante un semblant de commedia dell’arte.
C’est parfois drôle, souvent touchant (notamment les passages avec Sasha Migliarese), malgré tout, c’est peut-être un peu succinct pour un long métrage. On reste sur notre faim, satisfaits d’avoir passé une heure trente en compagnie d’une personne attachante, mais aussi avec l’impression d’un vide, comme si l’on s’était attendu à voir un comédien sur ses derniers milles nous parler de sa carrière québécoise, de son Italie natale, bref de se dévoiler un peu plus. Les interventions « extérieures » ne sont pas toutes du même niveau.
Quoi qu’il en soit, si vous ne vous y connaissez pas en matière de documenteur, c’est sans doute avec Mon ami Dino que vous pourriez vous initier à ce genre étonnant où la réalité et le mensonge se côtoient sans cesse et où il vous appartient de démêler l’écheveau… et découvrir par la même occasion un acteur que l’on aurait aimé voir plus souvent et dans des rôles plus étoffés.
Mon ami Dino – Québec, 2016, 1 h 24 – Jimmy Larouche filme le comédien Dino Tavarone, son ami, qui se sait atteint d’une maladie grave et qui vit sans doute ses derniers jours – Avec: Dino Tavarone – Scénario, Réalisation: Jimmy Larouche – Production: Alma productions et Greenground – Distribution: L’Atelier – distribution de films
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