[CRITIQUE] Vivre à 100 milles à l’heure

Avec ce sixième long métrage de fiction, Bélanger signe une œuvre colorée, sans temps morts ni effets de manche qui se voit autant comme un récit d’apprentissage conventionnel qu’un polar de série B nostalgique.

Rémi Goulet, Antoine L’Écuyer, Félix-Antoine Cantin, Sandrine Poirier-Allard dans Vivre à 100 milles à l’heure de Louis Bélanger (Crédit Véro Boncompagni)
Antoine L’Écuyer (g.), Félix-Antoine Cantin et Sandrine Poirier-Allard (c.) et Rémi Goulet (d) dans Vivre à 100 milles à l’heure de Louis Bélanger (Crédit Véro Boncompagni)

À partir des souvenirs du délinquant qu’il a jadis été, Louis Bélanger signe avec Vivre à 100 milles à l’heure un exercice de réalité augmentée bicéphale, tantôt récit d’apprentissage conventionnel, tantôt polar nostalgique. D’un côté les étapes emblématiques d’un genre cinématographique très populaire: rencontre, partage d’expérience, drame mettant à mal les liens d’amitié et rédemption rassembleuse. Le prolongement de cet arc très connu est un fantasme de série B. un thriller agrémenté de gros chars, de guns et d’appartements luxueux. Une vie rêvée, idéalisée par des gamins trop tôt sortis de l’enfance, mais bien incapables de se mesurer aux caïds endurcis qui font la loi dans leur coin de pays. Ne se frotte pas à l’univers de la French Connection qui veut… En tout cas pas Daniel et sa gang. Un séjour en prison révélateur sera pour lui le moyen de s’ouvrir au monde, d’aller vers l’Autre et, ultimement, de se distancier à tout jamais de l’enfer dans lequel il s’était enfargé dix ans auparavant presque par hasard.

L’expérience que Bélanger propose est plutôt inusitée. Il nous présente un sujet suffisamment accrocheur pour rejoindre le plus large public possible sans trop l’édulcorer pour ne pas lui faire perdre de saveur. Ainsi, les éléments les plus tragiques du milieu violent qui lui sert de terreau (la dépendance, les dangers d’une vie menée sur le fil du rasoir, et même la mort) sont montrés sans ménagement, mais ne supplante jamais la tendresse des premiers émois amoureux ou les regards complices de gamins innocents jouant à ski-bottine. Ce dosage, somme toute assez réussi, n’est pas si fréquent dans le cinéma québécois, habitué à moins de rudesse dans ses récits traitant de l’enfance et l’adolescence.

Les jalons du parcours de Daniel et ses copains sont unis par les douces sonorités de partitions musicales, diégétiques ou non, qui occupent une place de choix, comme dans toutes les propositions de Bélanger. Daniel adulte relie les trois différentes époques grâce à un commentaire lu en voix off, un palliatif qui est ici réduit au strict nécessaire et qui permet de garder le scénario dans l’évocation personnelle, lui évitant ainsi de tomber dans des considérations moralisantes sur le bien et le mal, même si le spectateur pourrait y voir une sorte d’avertissement lancé à la jeunesse.

Après avoir confié à Emmanuelle Lussier-Martinez un rôle prépondérant dans Les mauvaises herbes, Bélanger relègue les protagonistes féminins à l’arrière-plan et retrouve une histoire de gars rugueuse et violente, à l’instar de celle de Gaz Bar Blues. Hélas, Vivre à 100 milles à l’heure ne parvient pas à la grâce déployée dans l’illustration des turpitudes de François Brochu et ses fils, désireux de voler de leurs propres ailes, loin du poste d’essence. Les aventures de Daniel sont, de fait, un peu trop épisodiques. Le coup de crayon n’est pas toujours fin (le dealer incarné par Benoît McGinnis, entre autres), et certaines scènes de consommation paraissent superflues.

À l’unisson de son scénario, Bélanger signe une œuvre colorée, sans temps morts ni effets de manche. Sa touche, à la fois légère et assurée, s’appuie sur la complicité qu’il entretient avec des collaborateurs de longue date, tels Pierre Mignot à la photo et Claude Palardy au montage et ses deux musiciens attitrés, son frère Guy et Claude Fradette. Ce qui étonne en revanche c’est sa capacité à diriger une distribution plus étoffée et plus diversifiée qu’à l’habitude, comprenant pas moins de huit très jeunes comédiens et une demi-douzaine d’acteurs adultes. À ce chapitre, le cinéaste s’en sort très bien, parvenant à garder les trois époques homogènes dans leur ton et leur style.

Vivre à 100 milles à l’heure – Québec, 2019, 1h43 – À Québec dans les années 80, trois amis d’enfance se frottent et se piquent au monde interlope en se lançant dans le trafic de drogue – Avec: Rémi Goulet, Antoine L’Écuyer, Félix-Antoine Cantin – Scénario et Réalisation: Louis Bélanger – Production: Lyla Films – Distribution: Les Films Opale

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