Rami, jeune homme de la communauté libanaise de Montréal, n’a pas la vie facile. Il doit en effet subir la pression de sa famille (en particulier de son père, intransigeant et traditionaliste) qui voudrait bien le vouloir marié et casé. Il doit en outre vivre avec un handicap physique qui le force à faire face au regard des autres, et qui le prive de toute conquête féminine. Pour parvenir à enfin trouver l’amour, Rami s’invente un personnage à la une vie rêvée et, la nuit venue, » tchat » anonymement sur internet. Roméo Onze, c’est le nom de ce riche homme d’affaires, converse avec une jeune femme, bien décidée à le rencontrer en chair et en os.
Le scénario du film, très simple et presque naïf, traite de la superficialité des mondes parallèles que l’internet, les réseaux sociaux et autres forums anonymes ont l’habitude de procurer. Quoi de mieux en effet que de se cacher derrière cette façade pour nier l’existence de l’infirmité, ou pour être riche alors que l’avenir semble ne rien promettre. Si l’infirmité de Rami est montrée comme un défi et non comme une fatalité, elle nécessite néanmoins le paravent de ce paradis virtuel pour permettre à Rami d’exister. Lorsque viendra le temps de la confrontation, c’est bien dans la vraie vie que Rami devra se révéler. Roméo Onze illustre le refus du mensonge et la prise de conscience du jeune homme lors d’une scène admirable (les préparatifs dans la chambre d’hôtel), véritable charnière du film qui permet à Rami de prendre conscience de sa vraie personnalité et de se révéler à lui-même.
L’autre tour de force du film est d’être parvenu à nous donner l’une des plus belles illustrations du Montréal ethnique qu’il nous ait été donné de voir depuis fort longtemps. Lui-même d’origine étrangère, Grbovic parvient à trouver le ton juste pour toutes les scènes situées dans la communauté libanaise dans laquelle vit Rami.
Roméo Onze c’est donc aussi – et avant tout – une belle histoire d’appartenance à une communauté faite de traditions et de contraintes familiales certes parfois étouffantes, mais qui sait reconnaître les siens. La communauté de Rami est son environnement réel, sa société de chair et d’os, qui le remet sur le droit chemin, loin des paradis virtuels des séances de clavardage anonyme. Quelques timides pas de danse et une foule en liesse qui l’attire concluent cette histoire parfaitement construite.
Loin des poncifs et des images d’Épinal sur les immigrants et sur leur intégration dans notre société, Grbovic réussit là un véritable tour de force et parvient de manière très concluante à intégrer une histoire traditionnelle dans une communauté culturelle bien réelle. C’est en soi une très belle réussite.
En résumé
Ce portrait intime d’un jeune homme reprenant contact avec la réalité est un portrait juste et sincère sur la difficulté de vivre avec un handicap. Ce premier film très concluant pour son jeune réalisateur Ivan Grbovic, est aussi admirable dans sa façon de représenter la vie quotidienne dans une communauté culturelle, entre nord-américanité et respect des traditions. Parmi une distribution hors pair, le grand acteur Joseph Bou Nassar et le jeune Ali Ammar, acteur non professionnel, font des merveilles. À voir absolument.
Roméo Onze – Québec, 2011, 1h31 – Un jeune homme d’origine libanaise tente de surpasser son infirmité en prenant une fausse identité qui lui sert à tchetter sur internet. Mais après une rencontre manquée, le jeune homme prendra conscience de qui il est vraiment – Avec: Ali Ammar, Joseph Bou Nassar, Sanda Bourenane – Scénario: Ivan Grbovic, Sara Mishara – Réalisation: Ivan Grbovic – Production: Paul Barbeau, Ivan Grbovic – Distribution: Métropole
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