[Critique] Maudite poutine : matière brute

Fratrie solidaire, vengeance inassouvie, adultes désemparés. Maudite poutine s’appuie sur des thématiques chères au cinéma québécois pour proposer un genre de western post-apocalyptique avant-gardiste filmé dans un noir et blanc poisseux.

La rage de Jean-Simon Leduc dans Maudite Poutine (FunFilm Distribution)

La rage de Jean-Simon Leduc dans Maudite Poutine (FunFilm Distribution)

À l’instar de courts métrages expérimentaux de Karl Lemieux, cette Maudite poutine de a l’art de nous plonger dans une ambiance peu ordinaire baignée de rock garage, de violence et de cris de douleurs. Les cadrages en caméra portée, le contraste et la granularité de la photographie signée Mathieu Laverdière, tout concourt à faire de cette Å“uvre une recherche visuelle et sensorielle avant-gardiste. Créateur de performances scéniques, Lemieux apporte à l’image la vigueur de plusieurs passages musicaux, diégétiques ou non, tout en nourrissant la révolte de ses protagonistes.

Immergée dans l’irréalité de lieux décrépits chargés de mystère, en l’occurrence ceux de Kinsey Falls, région de son enfance, cette BD rurale fait preuve de la brutalité du coup de fusil et la noirceur de la poudre à canon, mais recèle néanmoins plusieurs beaux instants d’apaisement et de sérénité. Les premières minutes, anxiogènes, assurent à elles seules un ouverture possédée par l’énergie du désespoir, visible dans le regard de Michel (Martin Dubreuil), atterré devant la froideur du caïd local subtilement inhumain (Robin Aubert).

Hommage évident au film noir, ce vol de pot qui tourne au vinaigre déborde du cadre strict du polar reprendre à son compte quelques thématiques chères à la psyché québécoise. On retrouve la fratrie troublée (Jean-Simon Leduc), l’absence du père et l’éternel mal de vivre de l’adulte (on ne voit que la mère, incarnée par Marie Brassard, dans l’une des rares scènes touchantes), proche de la terre et des valeurs de base, mais toujours aussi désemparé dans ses choix (Dubreuil).

À partir de cette galerie de personnages chaotiques, le cinéaste bouscule les conventions en insufflant à ce règlement de compte post-apocalyptique une signature marquante qui le place indubitablement dans une classe à part. Cependant, si l’expérience procure son lot de satisfaction, notamment au plan formel, c’est au détriment d’une histoire que l’on airait aimé un peu plus étoffée. Quoi qu’il en soit, reconnaissons que Maudite poutine s’inscrit bel et bien dans une tendance au renouveau comme nous avons pu le constater à travers bon nombre d’œuvres québécoises et canadiennes présentées lors du dernier FNC, et confirme l’audace d’un style porteur de belles promesses.

Maudite Poutine – Québec, 2016, 1h35 – Vincent, batteur dans un band de rock de garage se retrouve dans l’eau chaude après avoir dérobé de la drogue à Darkie et sa bande de criminels peu amènes.. – Avec: Jean-Simon Leduc, Martin Dubreuil, Francis La Haye – Scénario: Marie-Douce St-Jacques, Karl Lemieux – Réalisation: Karl lemieux – Production: Sylvain Corbeil, Nancy Grant – Distribution: FunFilm Distribution

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