Avec Solo, Sophie Dupuis offre une flamboyante évocation du monde intrigant des drag queens, dominée par des éléments techniques irréprochables (costumes, maquillages, perruques et direction photo), des numéros musicaux enlevants et des chorégraphies parfaitement ordonnées. Ne lésinant pas sur l’exubérance formelle de sa proposition et prenant bien soin de ne choquer personne, la réalisatrice de Chien de garde et de Souterrain propose une œuvre bigarrée à l’esthétique séduisante qui rend un hommage bien senti à ce milieu attachant, souvent associé dans l’imaginaire collectif au clinquant, au criard et à la démesure.
Cela dit, lorsque l’on gratte sous les couches de rouge à lèvre, que l’on ôte les robes à paillettes et que les projecteurs s’éteignent, Solo perd des plumes. Le film s’avère scindé en deux parties inégales. Il y a le devant de la scène, alléchant et sexy, et les coulisses, qui laissent à désirer. Car, au-delà des prestations de Théodore Pellerin et Félix Maritaud – qui ont certainement du donner beaucoup d’eux-mêmes pour atteindre un niveau de justesse et de crédibilité assez remarquable – le récit s’appuie sur une romance homosexuelle déjà vue à maintes reprises, et de ce fait, tout ce qu’il y a de plus prévisible et banale.
En outre, les tourments du protagoniste solitaire sur qui tous les malheurs s’abattent (un peu comme Maxime, le jeune mineur de Souterrain) sont tués dans l’œuf par des numéros chantés et dansés envahissants, qui ne laisse pas vraiment la possibilité à la relation toxique de se développer ou à l’émotion de s’installer. Laquelle surgit sur le tard, dans deux séquences très sobres, mettant aux prises Simon, sa mère et sa sœur. Indéniablement les moments les plus touchants et les plus convaincants du film.
Toutefois, rendons grâce à Sophie Dupuis d’avoir réussi à éviter le didactisme (en dehors d’une revendication en faveur du mouvement Black Lives Matter, complètement déconnectée de l’histoire) et d’avoir su donner à ce milieu qui commence à peine à trouver sa place dans la société québécoise une représentation exempte de voyeurisme et ne donnant pas de prise à la moquerie. Les prestations nuancées de Tommy Joubert, Vlad Alexis et Jean Marchand aident bien la cause.
En somme, même avec ses lacunes plutôt évidentes, Solo confirme la capacité de son auteure à nous immerger dans des réalités contemporaines inusitées et parfois dérangeantes. En comparaison avec la tiédeur et le conformisme de la fiction québécoise grand public, c’est déjà beaucoup.
Solo – Québec, année, durée – Dans une boîte de drag queens montréalaise, deux danseurs étoiles se jettent à corps perdu dans une relation passionnelle, mais qui finit par s’avérer malsaine – Avec: Théodore Pellerin, Félix Maritaud, Tommy Joubert, Anne-Marie Cadieux – Scénario et réalisation: Sophie Dupuis – Production: Étienne Hansez – Distribution: Axia Films
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