Plusieurs portraits de femmes durs ou inspirants illustrent mes suggestions télé de la semaine, avec Monique Mercure, visage portrait de l’émancipation pour Jean Beaudin dans J.A. Martin photographe ; Fanny Mallette, témoin de notre solitude chez Stéphane Lafleur (Continental, un film sans fusil) ; et les fillettes de la DPJ, filmées à hauteur d’enfant par Nathalie Saint-Pierre dans Catimini. À signaler aussi sur AMI Télé, la diffusion avec vidéodescription du classique pour enfants La guerre des tuques, version 1984 (samedi 27, 20h et reprise dimanche 28 à 15h).
Et si vous êtes amateur de courts métrages, je vous signale la soirée mensuelle consacrée par Unis TV aux films courts d’ici. Cette semaine, vous pourrez voir, entre autres, les petites perles que sont Dany Lapin, récemment primé en Inde ou Nina de Halima Elkhatabi ainsi que le très chouette Mizbrück de Daniel Duranleau.
Bonne semaine de cinéma québécois!
Lundi
J.A. Martin photographe
✰✰✰✰✰ – Chaque été, le photographe Martin quitte sa famille et part sillonner le Québec rural où il vend les photographies qu’on lui demande de prendre. Une année, sa femme décide de le suivre dans son périple – Drame de moeurs de Jean Beaudin (1976) avec Marcel Sabourin, Monique Mercure, Jean Lapointe – TFO, lun 22 fév. à 21h
C’est extraordinaire la diversité des tâches qu’une femme doit remplir pour être ce qu’on appelle une « mère de famille ». Cela dit non pas par opposition à l’homme qui avait lui aussi ses problèmes. Mais dans la vie d’un homme, il y avait tout de même des répits. Dans la vie d’une femme jamais. Les seuls moments de répit d’une femme, c’était le temps qu’elle passait à l’hôpital pour accoucher. Là elle passait quatre ou cinq jours et se faisait servir. Elle était heureuse. Bien heureuse. C’était pour elle une sorte de vacances. C’est donc à partir de ces constatations qu’est né J. A. Martin photographe. Le film est une sorte d’hommage à nos grands-mères, à nos mères et à toutes les femmes du Québec. (Entretien de Léo Bonneville avec Jean Beaudin, Séquences : la revue de cinéma, n° 89, 1977)
Vendredi
Continental, un film sans fusil
✰✰✰✰✰ – Les destins de quatre personnages se croisent et se déploient autour de la disparition d’un homme dans la forêt – Comédie dramatique de Stéphane Lafleur (2007) avec Fanny Mallette, Réal Bossé, Gilbert Sicotte – Télé-Québec, ven. 26 fév. à 23h30
Le beau titre du film. Continental, un film sans fusil, exprime à la fois une appartenance – au continent, l’Amérique du Nord – et une distinction, l’absence de fusil désignant, si l’on veut bien se prêter au jeu, l’exception québécoise. En ce sens, peu de réalisations expriment mieux cette dualité que celui-ci, ancré dans une américanité reconnaissable à ses plus puissants symboles – au premier chef la chambre de motel, lieu de transition par excellence, au croisement des routes et des villes – alors même que s’y déploient la plupart des signes de l’identité québécoise. Mais le continental, c’est aussi cette curieuse danse en ligne – présente au cœur de l’œuvre – dans laquelle les danseurs sont à la fois réunis et isolés, accordés par leurs gestes identiques mais interdits de contacts. (- Pierre Barrette, 24 images, n° 134, 2007, p. 61)
Samedi
Catimini
✰✰✰ – Portait de quatre jeunes filles placées sous la garde de la DPJ et dont les destins semblent inéluctablement voués à l’échec – Drame de Nathalie Saint-Pierre (2013) avec Émilie Bierre, Rosine Chouinard-Chauveau et Roger Larue – Radio-Canada, sam. 27 fév. à 23h40
D’une justesse et d’une pudeur exemplaires, la proposition ébranle. Preuve que Catimini n’est pas pour autant reçu comme un doigt accusateur de la part des intervenants du milieu, après notre entretien, Nathalie Saint-Pierre avait rendez-vous avec trois travailleurs sociaux qui, émus par le film après l’avoir vu au Festival du nouveau cinéma, souhaitaient en parler avec elle. Au final, l’objectif de l’auteure n’est pas de dénoncer la DPJ, mais plutôt de mettre en lumière certaines failles du système. « Quelques personnes m’ont reproché de ne pas proposer de solutions, mais ce n’est pas le mandat que je me suis donné. Il ne s’agit pas d’un film d’intervention. » À cette critique, on pourrait en outre opposer que, ne serait-ce que parce qu’il force la réflexion, Catimini fait oeuvre utile. (Souffrir à tue-tête, François Lévesque, Le Devoir, 19 janvier 2013)