[Critique] Rodéo : dérape bien contrôlée

Les performances touchantes des protagonistes compensent le manque de souffle du récit, surtout lors d’une deuxième partie prévisible et éparpillée. Pleine d’assurance, la réalisation est renforcée par une belle direction photo.

Lilou Roy-Lanouette dans Rodéo - La fillette en kimono est assise dans la cabine du camion
Lilou Roy-Lanouette dans Rod̩o РPhoto Danny Taillon

Joëlle Desjardins Paquette a puisé dans ses souvenirs de jeunesse pour écrire (avec Sarah Lévesque) son premier long métrage suivant la dérape improbable d’un père aimant sa gamine jusqu’à en perdre la tête. La force d’attraction de Rodéo se loge pour une grande part dans les performances complices de Maxime Le Flaguais et Lilou Roy-Lanouette. Dans la peau du macho qui révèle progressivement sa fragilité, l’acteur de Piché :­ entre ciel et terre incarne une variation originale et rafraîchissante d’une histoire d’amour filial, touchante et humaniste. Ne supportant pas l’idée de devoir vivre sans elle, il part à la dérive, niant toute notion de logique et de prudence, qui l’entraîne sur une pente glissante, qu’il sera bien difficile de remonter.

Têtu, irréfléchi, Serge Jr est un personnage intemporel, relevant à la fois de la tragédie (l’enlèvement de l’enfant) et de la comédie burlesque (la course-poursuite à travers le Canada). La facilité qu’a le scénario à mélanger les genres ajoute au charme de l’exercice. Mais l’issue de son voyage ne fait aucun doute. Lily ne s’y trompe pas. Plus le ruban d’asphalte défile, plus elle commence à remettre en cause les intentions de celui qu’elle idolâtre, et plus elle réalise l’impasse dans laquelle ils se trouvent. Sa mère lui manque. Elle comprend finalement qu’il ment.

La solidité de la proposition reposait beaucoup sur la justesse du casting et sur la direction d’acteurs. Pari réussi haut la main. La qualité de la prestation de Lilou Roy-Lanouette tient dans sa capacité de s’emparer de la gouaille et de l’innocence qui caractérise son âge, tout en sachant ménager les élans fantasques de son personnage afin de lui insuffler une tonalité plus grave et plus captivante. Des airs de conte initiatique succèdent au drame familial. Lesquels, parfaitement justes, bénéficient de la nuance de la jeune vedette de Jouliks, que l’on peut d’ores et déjà ranger parmi les visages marquants d’enfants tiraillés qui nous ont été offerts par le cinéma québécois, à l’instar de l’inoubliable Manon incarnée par Charlotte Laurier dans Les bons débarras.

Outre ces performances d’acteurs mémorables, Rodéo propose une mise en scène pleine d’assurance, bien secondée par la gestion du petit espace de la cabine et une direction photo adroite dans sa façon de tirer parti des contrées désertiques et de la frénésie des compétitions de ces machines hurlantes. Quoique ponctué de détours évoquant subrepticement le suspense anxiogène, le récit s’avère certes un peu trop linéaire, prévisible et chiche en enjeux forts. Malgré cela, voilà une entrée en matière convaincante pour une réalisatrice que l’on a déjà hâte de revoir.

Rodéo – Québec, 2022, 1h21 – un père séparé enlève sa fille de 9 ans et l’emmène à l’autre bout du Canada pour assister à une compétition de camions – Avec: Maxime Le Flaguais, Lilou Roy-Lanouette – Scénario: Joëlle Desjardins Paquette, Sarah Lévesque – Réalisation: Joëlle Desjardins Paquette – Production: Fanny Drew, Sarah Mannering – Distribution: Entract Films

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