[CRITIQUE] The Twentieth Century: feu d’artifices

En dehors de quelques gags pas très relevés, le film propose une jouissive satire du Canada et réussit à séduire par sa forme « vintage » aussi hirsute qu’inventive.

Image extraite du film Twentieth Century de Matthew Rankin (les yeux fermés, un homme coupe un cordon rouge, en signe d'inauguration)
Image extraite du film Twentieth Century de Matthew Rankin

The Twentieth Century s’inscrit fièrement dans la filmographie iconoclaste de Matthew Rankin, autant sur le plan visuel que celui des thèmes, ici vaguement inspirés par la lecture du journal intime de William Lyon Mackenzie King. Même si certains faits et personnages sont bien réels, cette œuvre hors de tout effet de mode n’a pourtant rien d’un biopic du célèbre PM canadien ni ne propose un compte rendu historique sur une époque charnière, à l’orée de la Première Guerre mondiale. Il s’agit plutôt d’une satire politique intemporelle qui se moque allègrement de la soi-disant bonhommie du Canada et de ses courses à la chefferie ridicules et sans profondeur.

De fait, s’il met bien en évidence les hantises de son jeune sujet, homme complexe obnubilé par le pouvoir et soumis à une domination matriarcale incessante, Rankin a tôt fait d’extrapoler ses fantasmes sur une plus grande échelle. Comme pour mieux bâtir une histoire artificielle de notre plusse belle confédération, dont l’illustration loufoque déconstruit allègrement l’impression d’un pays paisible et démocratique. Cette image, véhiculée depuis des lustres sur la scène internationale par nos dirigeants successifs, est évidemment beaucoup plus nuancée que cela. Et Rankin, avec son bagage d’historien. le sait plus que quiconque. Sous ses airs hirsutes, sa virulente satire s’ingénie en effet à dépeindre un Canada guerrier, dirigé par un gouverneur gueulard et belliqueux qui n’hésite pas à sacrifier ses généraux – y compris sa fille – pour conquérir de nouveaux territoires. L’opposition entre ROC et Québec est bien entendu au centre de l’intrigue, avec un parti-pris évident pour notre Province, montrée comme une contrée idyllique, portée par une « tendresse nationale Â» chaleureuse et douce.

Si le pamphlet fonctionne, il est toutefois dommage que quelques gags pas toujours très relevés lui fassent perdre quelques plumes au passage. En outre, le récit peine à trouver un ressort dramatique suffisant et génère quelques redites à mi-parcours. Cela dit, on ne tarit pas d’éloges pour la forme débridée et l’originalité de cet ensemble, porté par l’ingéniosité formelle de ses décors de bric et de broc, de ses images en 16mm signées Vincent Biron, de ses animations rigolotes, sans oublier le jeu excessif de comédiens – lunaires à souhait -, ou l’interchangeabilité des rôles Homme/Femme.

D’un point de vue esthétique, on s’ingénie à dénicher des références au style Art déco, aux films de propagande des années de guerre, ou aux oeuvres d’Olivier Asselin, parmi tant d’autres. Et on ne manquera pas de souligner le coup de chapeau adressé volontairement ou non en direction de la mythique comédie québécoise IXE-13, joyau du carton-pâte et des couleurs criardes. Cinquante ans après la sortie du film de Jacques Godbout, The Twentieth Century nous remémore avec bonheur le temps béni où la production québécoise avait encore un peu d’audace. Et c’est sans doute ce sentiment de liberté qui rend ce premier long métrage de Matthew Rankin aussi jouissif, aux quelques petites réserves notées ci-haut.

The Twentieth Century – Québec, 2019, 1h30 – À Toronto en 1899, le jeune William Lyon Mackenzie King ne rêve que d’une chose: devenir premier ministre du Canada – Avec: Dan Beirne, Sarianne Cormier – Scénario: et Réalisation: Matthew Rankin – Production: Voyelles Films – Distribution: Maison 4:3

Ma note: 

Les notes :

★★★★★ Excellent
★★★★ Très bon
★★★ Bon
★★ Moyen
Mauvais

Contenus similaires

Qui sommes-nous ?

Né en décembre 2008, Films du Québec est un site d'information indépendant, entièrement dédié au cinéma québécois de fiction. Films du Québec contient les fiches détaillées des films québécois, des actualités, des critiques et des bandes annonces et bien plus.
Création et administration : Charles-Henri Ramond, membre de l'Association québécoise des critiques de cinéma.

Catégories

Archives