R̩pertoire des villes disparues РFilm de Denis C̫t̩

Onzième long métrage de Denis Côté, Répertoire des villes disparues propose une histoire de zombies originale et métaphorique.

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Répertoire des villes disparues est un drame fantastique écrit et réalisé par Denis Côté, qui s’est librement inspiré du roman de Laurence Olivier, dont il n’a conservé que quelques passages marquants. Dans ce onzième long métrage, le cinéaste de Curling et Carcasses ne déroge pas à la règle d’or de son cinéma: faire du quotidien en apparence banal le champ exploratoire de zones inconnues, ouvertes à tous les possibles. Campée durant l’hiver et en rase campagne, le récit d’un village secoué par la mort accidentelle d’un de ses résidents donne lieu à une fable métaphorique, qui comme toujours chez l’auteur, s’éloigne résolument des conventions et des structures narratives habituelles.

Avec Répertoire des villes disparues, Côté renoue donc avec les mondes parallèles qui habitent toute sa filmographie. Il les filme cette fois plus frontalement, en développant un récit de genre, en l’occurrence un film de zombies, dont certains passages évoquent Les affamés de Robin Aubert. Côté garde cependant un oeil ouvert sur les réalités du Québec contemporain en incorporant plusieurs références à notre société: isolement du fait francophone dans une marée anglophone, peur latente de ce qui nous est étranger, ou encore désertion des régions. Plusieurs autres métaphores, dont celle de notre rapport à la mort, se développent au gré d’une histoire aussi intime que collective qui recèle également un regard biaisé mais bien présent sur la famille disloquée. En somme, Répertoire des villes disparues est un film volontairement très ouvert à l’interprétation du spectateur qui déroutera sans doute, mais qui permet à Côté de se rapprocher du coeur de son cinéma.

Répertoire des villes disparues (Ghost Town Anthology) est présenté en première mondiale dans la compétition officielle de la 69ème édition de la Berlinale. Denis Côté en sera donc à sa cinquième présence dans ce prestigieux festival puisqu’il a été l’invité du Forum à deux reprises (Bestiaire et Que ta joie demeure) et qu’il a déjà été en compétition avec Boris sans Béatrice et Vic + Flo ont vu un ours, qui avait remporté l’Ours d’argent pour l’innovation.

Répertoire des villes disparues - Photo de tournage, par Lou Scamble Photography.

R̩pertoire des villes disparues РPhoto de tournage, par Lou Scamble Photography.

Entrevue du réalisateur

D’où vous est venue l’inspiration pour cette histoire?

Du Québec de maintenant. J’ai l’impression que les gens ont aujourd’hui très peur de perdre le confort dont mon pays peut se vanter. Ça se manifeste de différentes façons et notre résistance au changement est tenace. La montée du populisme dans les médias, la crise migratoire, les réticences à aller vers l’autre et le repli identitaire sont des thèmes qui m’ont intéressés. Le livre de Laurence Olivier est un recueil poétique de bouts de vies et d’histoires éclatées. J’ai cherché à en garder l’esprit. Les mutations et les désintégrations des tissus sociaux sont des phénomènes fascinants et j’ai imaginé une histoire trouée, qui invite lentement le surnaturel et multiplie les anticlimax. Ce n’est pas un scénario complexe mais j’aime jouer avec les tons; j’aime que rien ne soit facile à définir ou à circonscrire. Je voulais essentiellement écrire un scénario sur la figure de l’Autre, sur les peurs qu’elle inspire.

On sent une envie pour le film de genre et en même temps un désir de parler de réalités sociales concrètes…

Oui. Au départ, je me suis souvenu du nombre incalculable de fois où on m’a proposé l’idée de réaliser des films d’horreur. J’ai pris un peu ce chemin puis ça a lentement bifurqué vers cette chronique rurale, écartelée entre réalisme social et glissement progressif vers le surnaturel. J’ai préféré détourner les codes du film de genre plutôt que de les emprunter. Au final, le film métaphorise et s’ouvre sur des thèmes qui m’intéressent au lieu de faire une plongée explicite dans le film de zombie ou le film d’horreur à sursauts faciles.

Qui sont vraiment ces revenants dans le village?

Ils sont la conscience endormie du village. Ils sont le passé autant que le futur de nos régions rurales, celles auxquelles on ne fait pas attention, celles qu’on laisse et qui se laissent mourir dans l’indifférence. Les morts reviennent faire des mises en garde aux vivants. Ils semblent dire ‘Si vous ne faites rien avec cette mémoire, cette Histoire et ce territoire, nous les prendrons’. Ce sont aussi des Étrangers avec qui il faut maintenant cohabiter. C’est la façon détournée que j’ai choisie pour parler d’immigration et des peurs qu’elle provoque chez les plus inquiets d’entre nous. La figure du monstre dans les films regrette souvent une humanité perdue. Elle charrie toujours quelque chose de romantique ou de nostalgique. Mes revenants sont dans cette tradition. Je laisse les métaphores flotter lentement et le spectateur attraper au vol ce qui lui parle.

Il n’y a pas de personnage central. Ça vous inquiétait à l’écriture?

Un peu. J’ai pensé à Altman, Sautet et à d’autres maîtres du film choral ou de la chronique. C’est difficile à l’écriture et au montage de trouver un équilibre et une façon adroite de passer d’un destin de personnage à l’autre, d’un ton à un autre. Comme il n’y a presque aucune chance de s’attacher de façon forte à un ou à l’autre, le personnage principal devient vite le village, l’hiver.

Le film est sombre et les personnages sont tous plutôt anxieux. On a l’impression que tout les dépasse mais en même temps, certains sont presque sereins face au mystère?

La peur est toujours un moteur narratif très intéressant à explorer. Mes villageois avaient tous une routine, un confort avant la mort improbable et soudaine du personnage de Simon. J’ai décidé de changer leur rapport au quotidien et à inviter une sorte d’ultimatum dans ce village. Mais cet ultimatum n’est que gentiment alarmant. Tout le monde semble s’accommoder de la bizarrerie qui s’installe au village. J’aime beaucoup ça. Les endormis peuvent très bien accueillir le nouvel état des choses alors que d’autres s’installent en mode panique. Je me suis imaginé l’arrivée de 50 immigrants dans un village de 200 personnes. Certains ne changeraient rien à leurs journées alors que d’autres… La mairesse Smallwood s’accroche à son rôle tandis que la famille Dubé a les idées ailleurs. J’ai un couple de jeunes ambitieux qui se retrouve à la croisée des chemins tandis qu’un couple de babyboomers laisse voguer sa petite xénophobie ordinaire. Adèle, quant à elle, est un carrefour de toutes les peurs. Le film est un petit catalogue des peurs.

Vous portez un jugement sur cette désintégration du tissu social québécois que vous filmez? C’est pessimiste…

Il y a un humour pince-sans-rire dans le film mais je reste quand même assez accusateur de ces comportements vaguement xénophobes qui m’entourent, ici comme ailleurs. Je suis frappé par le refus de mixité doublé d’une pauvreté de l’offre culturelle en dehors des grands centres. Nos villages agonisent sans faire de bruit. Même en ville, que ce soit la cinéphilie ou la place générale réservée à la culture, l’anti-intellectualisme et le manque de curiosité gagnent chaque jour du terrain. J’ai un peu imaginé le film en réaction à tout ça. C’est présent dans le livre de Laurence Olivier : quelque chose de funèbre flotte dans l’air et paralyse les communications dans toutes les sphères du Vivre-ensemble. Le film constate. Il n’est pas nécessairement pessimiste.

Extrait de l’entrevue du réalisateur citée dans le dossier de presse fourni par Maison 4:3

Résumé

Dans une petite bourgade isolée, un accident de la route inexpliqué sème l'émoi. Simon Dubé, le jeune conducteur, a-t-il volontairement mis fin à ses jours? S'agit-il d'une banale perte de contrôle dues aux conditions hivernales? Devant le désarroi de ses concitoyens, et le mutisme dans lequel s'est enfermé la famille du défunt, la mairesse Smallwood tient le cap et tente de faire corps avec tout le village. Cependant, le mystère entourant cette disparition a donné naissance à des événements incontrôlables, qui se manifestent sous la forme d'étranges apparitions...

©Charles-Henri Ramond

Distribution

Robert Naylor (Jimmy Dubé), Josée Deschênes (Gisèle Dubé), Jean-Michel Anctil (Romuald Dubé), Larissa Corriveau (Adèle), Diane Lavallée (Simone Smallwood), Rémi Goulet (André), Jocelyne Zucco (Louise), Normand Carrière (Richard), Hubert Proulx (Pierre), Rachel Graton (Camille)

Fiche technique

Genre: drame fantastique - Origine: Québec, 2018 - Durée: 1h38 - Langue V.O.: Français - Visa: 13 ans et plus - Première mondiale: 11 février 2019, Festival international du film de Berlin - Sortie en salles: 15 février 2019 sur 8 écrans au Québec - Tournage: 26 jours en février et mars 2018, en Montérégie - Budget approximatif: 2,1 M$

Réalisation: Denis Côté - Scénario: Denis Côté librement inspiré du roman éponyme de Laurence Olivier publié aux Éditions Les Herbes rouges - Production: Ziad Touma - Direction de production : Yannick Savard - Adjoint à la production: Guillaume Vasseur - Société de production: Couzin Films avec la participation financière de Téléfilm Canada, SODEC, crédits d'impôts fédéraux et provinciaux, et la collaboration de Radio-Canada, Maison 4:3, Films Boutique - Distribution: Maison 4:3

Équipe technique - 1ère assistante à la réalisation: Catherine Kirouac - Costumes: Caroline Bodson - Direction artistique: Marie-Pier Fortier - Maquillage et coiffure: Dominique T. Hasbani - Montage images: Nicolas Roy – Photographie: François Messier-Rheault - Direction de postproduction: Mélanie Gauthier, Julien Tremblay - Son: Yann Cleary, Frédéric Cloutier, Clovis Gouaillier

Infos DVD/VOD

Sortie en DVD : novembre 2019 - Éditeur : ATELIER DE DISTRIBUTION DE FILMS - Code UPC : 670533954561

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Né en décembre 2008, Films du Québec est un site d'information indépendant, entièrement dédié au cinéma québécois de fiction. Films du Québec contient les fiches détaillées des films québécois, des actualités, des critiques et des bandes annonces et bien plus.
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